C’est un pays déchiré qu’a découvert Emmanuel Carrère en allant rendre visite à sa cousine Salomé Zourabichvili, présidente de Géorgie. Son «Roman géorgien», en exclusivité pour Kometa, raconte un peuple qui aspire à l’Europe, retenu par un régime pro-russe. Iegor Gran, auteur notamment de Z comme zombie (2022), s’est plongé au cœur d’un réseau social russe de 40’000 mères et épouses qui prient pour leurs soldats au front. Un soldat russe, justement, dort dans la maison de la poétesse ukrainienne Luba Yakymtchouk. Cette guerre a ses opposants, en Russie. Le premier, Alexander Gorinov, est évidemment en prison et nous a écrit une lettre, sur ses genoux, dans sa cellule au milieu de 60 autres détenus. Il croyait à la politique. Mais ça, c’était avant Poutine.

La culture russe est-elle impérialiste? Dans notre rubrique Perspectives, quatre auteurs en débattent, dont l’historienne kazakhe Botakoz Kassymbekova qui nous dit: «La culture russe nous était imposée. Pouchkine était utilisé pour effacer la nôtre. La littérature kazakhe n’existait pas». Plus loin: «La Russie est une nation qui souffre. Elle ne voit pas ceux qui ont souffert encore plus, les peuples colonisés.» Philosophe, penseur du post-colonialisme, Achille Mbembe explique notamment les succès russes en Afrique par les crimes occidentaux du passé: «Les démocraties libérales souffrent d’un colossal discrédit moral parmi les peuples qui ont subi leur domination.»

Ce monde qui change (et pas forcément pour le mieux!), nous voulons le raconter au plus près. La création de Kometa en 2023 n’aurait pas été possible sans vous, lectrices et lecteurs qui avez participé à notre campagne de lancement: près de 6000 numéros prévendus. Merci à vous!

Vous retrouverez dans notre 2e numéro, chez votre libraire le 24 janvier, certains des auteurs du premier. L’écrivain Emmanuel Carrère, qui a fait deux voyages en Ukraine et revient en disant: «Il y a des catastrophes plus ou moins inévitables – le dérèglement climatique, la crise migratoire... –, mais cette guerre-là, on aurait vraiment pu s’en passer.» Ou la jeune hongroise Lili Pankotai, devenue dans son pays symbole d’une jeunesse en colère contre Viktor Orban et qui a tenu pendant un an le journal de bord de ses combats.

Nous republions aussi de grands textes. Après Milan Kundera dans le 1er numéro, ce sera Svetlana Alexievitch dans le 2e, et son récit saisissant d’un Roméo et Juliette post-soviétiques, dans l’Azerbaïdjan et l’Arménie en guerre. 

Michka Assayas, écrivain et critique musical, racontera l'épopée d'un couple de musiciens japonais installé en Géorgie qui soutiennent, par leur art, les civils ukrainiens victimes de la guerre. 

Enfin, le géographe et écrivain, Cedric Gras et les graphistes de The Shelf, vous parleront de ces astronautes russes et américains qui, malgré la guerre sur Terre, continuent à coopérer dans le ciel.

Le portfolio d’Alexander Gronsky est à découvrir depuis mardi sur notre site internet. Né en 1980 à Talinn, le photographe est fasciné par Moscou. Il arpente depuis 15 ans les rues de la capitale où panneaux publicitaires, sculptures et fresques murales révèlent «une scène de crime où l’on ne voit pas le crime lui-même, mais où l’on sait qu’il se produit».

Mais le photographe ne perd pas espoir. Selon lui, cette période n’est que transitoire et il l'assure: dans un futur proche, les Russes souhaiteront «oublier et effacer». Immortaliser ce moment d'histoire, il le perçoit comme son devoir.