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Bonjour c’est Léna Mauger, rédactrice en chef de Kometa.  

Le monde bascule. Kometa fête ses un an et grandit avec vous. En 2025, notre revue augmente son rythme de parution, passant de quatre à six numéros par an, et prolonge sa nouvelle collection consacrée à explorer un pays en profondeur. Ces numéros spéciaux offrent un éclairage unique sur la culture, la richesse et la complexité du pays mis à l'honneur, avec des perspectives inédites.

A venir, un numéro sur le rire face à l’oppression, parrainé par Charline Vanhoenacker; plus de décryptages, mêlant récits, cartes, photos et enquêtes entre intime et politique; plus de découvertes culturelles, explorant littérature, poésie, cinéma, musique et art pour nous relier au-delà des frontières.


Peter Van Agtmael vous écrit… 

Chaque semaine, Kometa donne la parole à ses auteurs et photographes. Aujourd'hui, 5 jours avant le résultat des présidentielles aux États-Unis, le photographe américain Peter Van Agtmael partage sa perception de son pays.

Bonjour,

Je suis Peter van Agtmael, photographe chez Magnum Photos. J'ai passé la plus grande partie de ma carrière professionnelle à essayer de comprendre les États-Unis de l'après-11 septembre, à la guerre comme à la maison. J'ai publié six livres sur le sujet, dont le plus récent, Look at the USA, a été publié au début de cette année et a été sélectionné pour le prix Paris Photo/Aperture Book of the Year.

Je vous écris de Paris, où je me suis installé après avoir épousé une Française. En bons bourreaux de travail, nous nous sommes rencontrés en mission lorsqu'elle était correspondante de Libération aux États-Unis. J'étais le photographe affecté à un article qu'elle écrivait sur les électeurs qui passaient du parti démocrate au parti républicain. C'était il y a six ans. Mais parfois, comme avec cette nouvelle élection américaine, l'histoire met un peu trop de soin à se répéter pour que l'on s'y sente à l'aise…

Ce que mon pays a fait au monde

Lors d'un raid à Rawa, en Irak, en 2006. Le sergent Jackson se repose pendant que son peloton fouille la maison à la recherche d'un insurgé. Parfois, les soldats compensent les dégâts avec une liasse de billets ; souvent, ils repartent sans une excuse. © Peter Van Agtmael/Magnum

Me voici sur le chemin du retour, pour couvrir mon sixième cycle électoral américain. J'ai une relation étrange avec mon pays ces derniers temps. J'ai terminé deux livres importants qui sont l'aboutissement de vingt ans de travail et de réflexion, souvent sous une pression physique et émotionnelle extrême. Je me sentais à la fois aliéné et épuisé, et j’ai fini par m’expatrier. Pourtant la distance a aussi fait que je me suis senti plus proche de mon pays. Je regrette par exemple des choses que je croyais acquises, mais à différents niveaux les États-Unis sont devenus méconnaissables.

Lorsque je travaillais sur Look at the USA (Thames&Hudson, 2024), j'ai souvent souhaité qu'il y ait une histoire où je pourrais trouver refuge. Les mythes sur l'Amérique auxquels je voulais croire ont été largement démantelés, mais il n'y a rien pour les remplacer. Il n'est pas étonnant que la plupart des gens se retranchent derrière leurs idées lorsqu'elles sont remises en question. Les explications simplistes, aussi fausses soient-elles, peuvent parfois être un remède.

Les illusions du mythe américain

Je veux citer ici Robert Chamberlain, un de mes bons amis et ancien officier de l'armée: «L'Amérique a toujours été une terre de tensions et de contradictions folles. Nous avons été la première véritable expérience de démocratie représentative en Occident, aussi terriblement imparfaite fût-elle. Nous avons maintenu l’esclavage et étendu le droit de vote, renforcé la liberté humaine tout en procédant à un nettoyage ethnique de l'Ouest américain. Nous avons parlé d'étendre la démocratie à l'étranger et, en même temps, nous nous sommes engagés dans une diplomatie du canon en soutenant agressivement les dictateurs et les autocrates du monde entier.» 

Je suppose que c'est ainsi que se traduit ma relation fragile, mais apaisée, avec mon pays. J'essaie de concilier l'horreur et la beauté du mieux que je peux, et de mener dans mon travail une réflexion profonde et critique sur ce que cela signifie d'être américain. Et humain.


La figure historique que j’ai retenue pour vous

Jacob Lawrence, The Library, 1960, tempera sur panneau de fibre

Depuis un an, je passe beaucoup de temps à peindre, à essayer de créer des scènes fictives qui repoussent les limites de ce que la réalité, telle qu'elle est représentée dans une photographie, peut atteindre. L'une de mes grandes sources d'inspiration, pour sa maîtrise de la forme et du contenu, est le peintre Jacob Lawrence (1917-2000). 

Peintre pionnier de la Renaissance de Harlem, il a documenté l'expérience noire dans une sorte de style figuratif cubiste qui sert de compte rendu historique des événements d'un point de vue profondément personnel, émotionnel et visionnaire. Il est très rare de trouver cette combinaison dans l'art, et c'est celle que je chéris le plus. 


Une raison d’espérer

Il y a toujours des raisons d'espérer. Les États-Unis sont un pays inconstant dont l'histoire a été terriblement violente et oppressive, mais qui a également fait preuve de sa capacité à faire le «sale boulot» pour se remettre sur de bons rails. Ses contradictions sont son essence même. Si je pense qu'il est toujours opportun de craindre l’imprudence et l’arrogance des États-Unis, il y a aussi des raisons de faire confiance à leurs institutions et à leur peuple pour tracer un avenir meilleur. Les puissances hégémoniques et les empires laissent toujours un héritage complexe, selon que vous avez reçu la carotte ou le bâton.


Les livres que je vous recommande

Mes lectures sont assez éclectiques. Parmi les livres récents qui m'ont vraiment marqué: L’Étoffe des héros (1979) de Tom Wolfe, qui relate l'absurdité, l'orgueil démesuré, l'incroyable génie scientifique et le courage des débuts du programme spatial. Poursuivant sur la voie du sérieux et de l'absurde, j'ai récemment relu Les Sirènes de Titan (1959) de Kurt Vonnegut, un regard profond sur la nature du libre arbitre et le but de l'histoire vu sous l'angle de l'humour et de la science-fiction. Depuis peu en France, je viens de finir la lecture d'Une sortie honorable (2022) d'Éric Vuillard, un roman amer et magnifique sur les derniers jours de l'empire français en Indochine.


Une phrase qui m'inspire

J'ai récemment lu cette phrase: «Nous sommes tous soumis au destin, mais nous devons tous agir comme si nous ne l'étions pas.»  Elle est tirée de la célèbre trilogie fantasy À la croisée des mondes, de Philip Pullman. Le livre est plutôt destiné à la jeunesse, mais cette citation a trouvé un écho en moi.


A propos de Kometa

Née du choc du retour de la guerre sur le continent européen, Kometa raconte le monde partout où il bascule, de l’intérieur, à travers les regards de celles et ceux qui le vivent. La revue fête sa première année et grandit grâce à vous, en passant de 4 à 6 numéros par an en 2025.

En vous abonnant, vous soutenez des autrices et des auteurs en résistance et un journalisme indépendant de qualité. Retrouvez tous les deux mois dans une belle revue papier des grands récits littéraires, des photos d’auteurs et des débats d'idées, et suivez-nous chaque semaine dans notre newsletter et chaque jour sur nos réseaux. Merci d'être à nos côtés!

L'agenda

9 novembre

Salon du livre de l’ESJ Lille

L’ESJ Lille présente le Journalivre, son 1er salon du livre journalisme et média. Haydée Sabéran, rédactrice en chef adjointe de notre revue, participera à la table ronde «Quand le journalisme prend le temps...» avec Marion Pillas, cofondatrice et rédactrice en chef de la Déferlante et Elsa Fayner, rédactrice en chef de la Revue XXI.


15 novembre

Lancement du Hors-série, Si l’Arménie était le centre du monde

Kometa vous invite au lancement du hors-série sur l’Arménie, le 15 novembre, à 19h30, 118 rue de Courcelles, Paris 17e, en partenariat avec l’UGAB. Au programme, une présentation sur scène de la revue incarnée par ses autrices, un concert, du bon vin, ce sera un moment de partage et de convivialité. Les places sont gratuites mais limitées ! 

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