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Bonjour, c’est Kometa.

Cette semaine, alors que nous publions ses lettres de prison, des nouvelles alarmantes de l'opposant russe Alexeï Gorinov, condamné pour avoir dénoncé la guerre en Ukraine.

Au même moment, des nouvelles d'un autre prisonnier politique, passé par la même prison: Alexeï Navalny a écrit un message à sa communauté Telegram, que Kometa traduit en exclusivité dans cette newsletter.

Kometa vous emmène aussi dans des lieux en-dehors de l'attention médiatique: la photographe Andrea Diefenbach sillonne les campagnes de Moldavie.

Toute notre rédaction vous souhaite un bon passage en 2024! Pour fêter ce début d'année, vous pouvez dès à présent précommander notre prochain numéro «Liaisons dangereuses» et le recevoir en avant-première.

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Du cachot à l'hôpital : les dernières nouvelles d'Alexeï Gorinov

Lettre manuscrite adressée par Alexeï Gorinov à Filipp Dzyadko | © Filipp Dzyadko

Ils portent le même prénom. L'un a dénoncé la corruption, l'autre la guerre en Ukraine. Pour cela, tous les deux ont été condamnés par la justice russe et emprisonnés dans la sinistre colonie pénitentiaire de Pokrov, à 250 km à l'est de Moscou.

Cette semaine, après un long moment de silence et d'inquiétude, leurs avocats et leurs proches ont enfin reçu quelques nouvelles: Alexeï Navalny et Alexeï Gorinov sont vivants, mais leur situation carcérale évolue.

Navalny, 47 ans, condamné à 19 ans de prison pour «extrémisme», a déclaré sur les réseaux sociaux: «Je vais bien [...] Ne vous en faites pas pour moi». Il a précisé qu'il était «soulagé d'être enfin arrivé» après un long et rude voyage de vingt jours. Il vient d'être transféré dans la colonie pénitentiaire de Kharp, en Iamalo-Nénétsie, une région reculée de l'Arctique russe, qui s'étend au-delà du cercle polaire. Il ne pouvait jusque-là contacter personne.

Âgé de 61 ans, Gorinov est moins célèbre que Navalny, mais lui aussi subit la dureté du système répressif et carcéral de Poutine. Cet avocat, élu municipal de Moscou, le raconte dans ses lettres adressées à Kometa. Des textes que nous vous transmettons grâce à notre correspondant, le journaliste exilé Filipp Dzyadko. Vous avez pu en découvrir un extrait dans notre premier numéro.

La semaine dernière, nous avons publié en intégralité la première lettre d'Alexeï Gorinov. Un texte écrit sur ses genoux dans une cellule surpeuplée, qu'il nous a fait parvenir au printemps dernier. Il y raconte les raisons de sa condamnation à presque sept ans de prison ferme. Lors d'une séance du conseil municipal, le 15 mars 2022, il avait qualifié la situation en Ukraine de «guerre», mot interdit par Poutine. Il dit aussi sa surprise devant son arrestation: «Si j'avais su à l'avance que mon bref discours allait prendre cette dimension disproportionnée [...] j'aurai parlé avec plus de verves, pour un public plus nombreux».

Dans sa deuxième lettre publiée ce mardi, le prisonnier revient sur l'histoire de sa famille et sur sa jeunesse en URSS. Racontant sa découverte de la dissidence, il décrit l'émergence de la Russie contemporaine sur les ruines des Républiques socialistes. Il revient aussi sur son métier d'avocat, sur sa pratique politique et son propre itinéraire vers l'engagement pour les libertés démocratiques.

Mais depuis ces premiers textes, nous avions peu de nouvelles de Gorinov et son état s'est aggravé. Ce matin, Filipp Dzyadko fait le point sur sa situation. Le prisonnier a été placé en cellule spéciale, «un sac de pierre froid d'une superficie de 5,5 mètres carrés, où la lumière du soleil ne pénètre pas». Des méthodes régulièrement utilisées dans la Russie de Poutine pour «casser» les opposants. Ce supplice a duré 48 jours d’affilée, alors que Gorinov souffre d’une maladie pulmonaire chronique. Lors d'une visite de son avocat, le 8 décembre, il était «dans un très mauvais état de santé» et n’avait plus la force «de se tenir sur une chaise et de parler». Une semaine plus tard, ses proches et ses avocats ne savaient ni où il se trouvait, ni comment il allait.

Le 21 décembre, la Rapporteuse spéciale des Nations Unies pour les droits humains en Russie, Mariana Katzarova, s’est inquiétée de cette disparition: «La disparition forcée et la détention au secret d'Alexeï Gorinov, qui s'apparente à de la torture et à des mauvais traitements, l'exposent à un risque de nouvelles violations des droits de l'homme, y compris la perte de sa vie». Mais le 25 décembre, auprès de Filipp Dyadko, un de ses avocats a confirmé qu'Alexeï Gorinov était hospitalisé dans la colonie pénitentiaire de Pokrov. Il lui a rendu visite et selon lui, le prisonnier «semble nettement revigoré».

À découvrir en début de semaine prochaine, deux nouvelles lettres d'Alexeï Gorinov, rédigées et transmises peu de temps avant son hospitalisation. Privé de parloir mais aussi de colis, le prisonnier raconte son transfert en cellule d'isolement, ses conditions de détention et ses méthodes pour passer le temps. Avec une ironie qui résonne comme une forme d'espoir.


Depuis la cellule polaire d'Alexeï Navalny

Le chef de l'opposition russe Alexeï Navalny défile dans la rue Tverskaïa à Moscou en 2017 | © Creative Commons, Evgeny Feldman

Alors qu'il venait d'arriver dans son nouveau site de détention, la colonie pénitentiaire de Kharp, à l'extrême nord de la Russie, l'opposant russe Alexeï Navany a publié ce message sur sa chaîne Telegram (mardi 26 décembre à 09h07).

« Je suis votre nouveau Père Noël.

Eh quoi? J’ai un manteau en peau de mouton, une chapka à rabats, j’aurai bientôt des bottes de feutre et, en vingt jours de convoyage, ma barbe a poussé. Je n’ai pas de rennes, d’accord, mais il y a là d’énormes bergers allemands, pleins de poils et magnifiques.

Et surtout: je vis maintenant à l’intérieur du cercle polaire. Village de Kharp, péninsule du Yamal. La ville la plus proche porte le joli nom de Labytnangui. 

Je ne dis pas «oh! oh! oh!», mais «oïe! oïe! oïe! » quand je regarde par la fenêtre où le soir vient après la nuit, et la nuit après le soir.

Mes vingt jours de transfert sous convoi ont été plutôt fatigants, mais je reste d’excellente d’humeur comme tout Père Noël qui se respecte.

On m’a acheminé ici samedi soir après m’avoir transporté avec de telles précautions et par un tel parcours (Vladimir – Moscou – Tcheliabinsk – Ekaterinbourg – Kirov – Vorkouta – Kharp) que je n’espérais pas être retrouvé avant la mi-janvier.

J’ai donc été très étonné quand, hier, on a ouvert la porte de ma cellule en me disant : «Vous avez la visite d’un avocat». Il m’a dit que vous m’aviez perdu, et que certains d’entre vous s’en étaient même inquiétés. Un grand merci à vous de votre soutien!

Pour l’heure, je ne puis vous égayer d’aucun récit d’exotisme polaire parce que je n’ai rien vu d’autre que ma cellule. À la fenêtre de la cellule, on ne voit que l’enceinte qui passe là tout près.

Ah! oui, je suis sorti en promenade. La cour de promenade, c’est une cellule voisine à peine plus grande en superficie, avec de la neige par terre. J’ai vu aussi mes convoyeurs, pas comme en Russie centrale, mais comme au cinéma, avec des pistolets-mitrailleurs, des moufles chaudes et des bottes de feutre. Et les fameux bergers allemands poilus et magnifiques.

Bref, ne vous inquiétez pas pour moi. Je vais bien. Je suis terriblement content d’être enfin arrivé.

Encore merci à tous de votre soutien. Meilleurs vœux pour les fêtes à venir!

Puisque je suis le père Noël, la question des cadeaux vous intéresse forcément. Mais comme je suis un père Noël sous régime spécial, n’auront de cadeaux que ceux qui se sont très mal comportés 😉 ».

Traduit par Yves Gauthier pour Kometa


La Moldavie au quotidien, un portfolio d'Andrea Diefenbach

Dans une école de Moldavie, des enseignantes attendent la cérémonie de remise des diplômes. Les ballons portent les couleurs du drapeau national | © Andrea Diefenbach

Toujours cette semaine sur Kometa: un portfolio d'Andrea Diefenbach en Moldavie. Depuis quinze ans, cette photographe allemande née en 1974 sillonne ce petit pays enserré entre Ukraine et Roumanie, mais aussi entre l'influence de la Russie et celle de l'Union européenne. Elle rencontre des travailleurs agricoles, des retraités, de jeunes mères de famille et capture des bâtiments qui portent encore les marques de l'Union soviétique. Elle traverse des villages vidés de leurs habitants, partis travailler à l'étranger. Son livre, dont sont tirées ces photos, Andrea Diefenbach l'a appelé Realitatea. Un voyage photographique dans les réalités moldaves commenté par Léna Mauger, rédactrice en chef de Kometa.


«Prions pour nos guerriers», un récit par Iegor Gran

Pour finir cette semaine, retrouvez, en trois épisodes, le voyage effectué par Iegor Gran dans le réseau social où mères et épouses de soldats russes prient pour la santé des «guerriers», pour leur retour à la maison et pour la victoire de la Russie. Un long récit à retrouver dans notre premier numéro.


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A propos de Kometa

À l’origine de Kometa, une envie: comprendre le monde en allant voir là où il bouge. On ironise parfois sur ces Américains qui ne savent pas placer Paris ou Bruxelles sur une carte d’Europe, mais l’invasion russe de l'Ukraine a révélé notre méconnaissance d’une partie entière de notre continent.

Tous les trois mois dans une belle revue papier de 208 pages, chaque semaine dans ses newsletters et tous les jours sur son site, Kometa propose des grands récits littéraires, des photos d’auteurs et des débats d'idées pour saisir ce que nous n’avons pas vu se lever à l’Est. En révéler la richesse, les talents et l’incroyable complexité.

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24 janvier

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En librairie en France, en Suisse et en Belgique, notre nouveau numéro, «Liaisons dangereuses»

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