Parce qu’on aime les histoires et que toute histoire a un début, on vous raconte le nôtre. Kometa est née au bord du lac, à Genève. Alors que l’actualité en continu de l’invasion russe de l’Ukraine débordait de chiffres dramatiques – le nombre de morts, de bombes, de drones –, deux journalistes réalisent qu’ils sont à l’ouest. Serge Michel raconte à Léna Mauger la vie d’Olga, la réfugiée ukrainienne veuve et retraitée qu’il a accueillie à la maison. Elle est née dans les années 1950 dans le Donbass, près de la frontière entre la République soviétique d’Ukraine et la République soviétique de Russie. Elle a un jumeau, né 20 minutes plus tard. L’officier d’état civil hésite. Il va donner à Olga un passeport ukrainien, et à son frère un passeport russe.
La guerre entre ces deux pays se joue là, maintenant, sur le continent. Serge a travaillé comme reporter en Russie, en Ukraine, en Iran et dans le Caucase. Léna a multiplié les reportages en Géorgie, en Roumanie, en Estonie, Russie, jusqu’au Japon. Et pourtant, tout les interroge. Le besoin de se tourner vers l’Est devient évident. Et urgent. Notre comète s’est fabriquée en moins d’un an, principalement à distance, grâce aux réseaux qui relient nos écrans.
Marseille, Paris, Lille, Florence, Genève
A Marseille, Léna Mauger imagine des reportages littéraires au long cours et des échanges épistolaires entre autrices et auteurs de l’Est et de l’Ouest, pour faire entendre d’autres voix. A Lille, Haydée Sabéran travaille leurs textes comme s’ils étaient de l’or. Des écrivains, des chercheurs, rappellent qu’avant cette guerre, il y a eu la Tchétchénie, la Géorgie, la Syrie, la Crimée, le Donbass, et qu’elle bouleverse nos boussoles pour les décennies à venir.
A Paris, Perrine Daubas, spécialisée dans le développement de médias et d’ONG, réfléchit à la manière de soutenir ces autrices et des auteurs menacés ou en exil. Perrine connaît la presse, le mécénat, la photo. Ce qui l’anime, c’est l’envie de comprendre ce qui se passe, mais aussi de découvrir cette zone à travers des idées, des livres, des films, de la musique.
La mémoire de l'époque
Pendant que Serge lance les recherches de fonds pour permettre les premières étapes du projet, le photographe Paolo Woods, à Florence, en Italie, rêve d’une revue qui croise les approches visuelles et permet à des photographes de raconter au long cours leur pays de l’intérieur. A Paris, les directrices artistiques Catherine Barluet et Julie Lecœur veulent un bel objet, pour garder la mémoire de l’époque. Et parce qu’aujourd’hui, une revue imprimée vendue en librairie en France, en Suisse et en Belgique ne s’adresse pas au plus grand nombre, Grégory Rozières à Paris et Karen Tschanz à Genève ont passé des jours et des nuits à penser une version en ligne, également accessible dans la langue d’origine des autrices et auteurs.