Dans un texte que nous publierons dans le numéro 2 de Kometa (prévu fin janvier), l’écrivain Sacha Filipenko écrit ceci :
«La douleur ne lâche pas Minsk. Qui arrête-t-on? N’importe qui ! Telle est la logique des répressions : zéro logique, tout le monde doit avoir peur. Pendant que vous admirez la perspective de l’Indépendance et le siège de l’Académie des sciences, les arrestations peuvent se produire n’importe où: dans l’Académie-même, dans le cinéma Octobre juste en face, dans l’Académie des Beaux-Arts derrière votre dos… Pendant que vous vous délectez de l’architecture soviétique, soyez vigilants! Si un minibus Volkswagen aux vitres teintées s’arrête près de vous, c’est qu’ils vont arrêter quelqu’un (vous peut-être). Regardez bien derrière vous et fuyez à toutes jambes.»
Comme un texte prémonitoire, ce qu’il a écrit il y a quelques jours vient de se réaliser.
Ce jeudi midi, Sacha Filipenko nous apprend que son père a été kidnappé ce matin par sept hommes armés à son domicile à Minsk, au Bélarus. Sacha Filipenko, exilé en Suisse, est une des plumes de Kometa. Et c’est une des missions de notre revue: publier des auteurs en exil ou menacés dans leur pays.
L’écrivain nous dit, par mail: «Ce matin, sept personnes armés de mitrailleuses ont fait effraction chez mes parents. Mes parents ont été jetés à terre. Il a 62 ans, elle 60. Les hommes armés ont passé les menottes à mon père, comme à un vulgaire criminel. Ils ont fouillé l’appartement, tout retourné, pris les ordinateurs, les téléphones. Mon père a été emmené. Je n’ai aucune idée d’où il se trouve. En partant, ils ont dit à ma mère: «Tu peux remercier ton fils!».
Tout ceci a eu lieu sans cadre légal. Un «kidnapping», résume Sacha Filipenko, qui parle aussi de «prise d’otage». L’auteur bélarusse ajoute qu’il est «important» de faire savoir ce qui s’est passé. «On ne peut pas kidnapper les gens. On ne peut pas kidnapper les parents des écrivains et des journalistes pour les obliger à se taire. Il est évident qu'ils font pression sur moi pour que j'arrête de parler dans la presse européenne. Pour que vous, par exemple, ne publiiez pas mon article.»