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Face aux événements du monde, Kometa ne fait pas de géopolitique mais les raconte avec un point de vue personnel: celui des écrivains et des photographes. 

Sergueï Shikalov a quitté Moscou. Après l'attentat de vendredi dernier, l'écrivain exilé en France se demande: comment vivre dans une époque qui oblige à choisir ses morts? Retrouvez ci-dessous un extrait de son écrit et le texte en intégralité sur notre site.

On vous présente une image de la photographe polonaise Karolina Gembara, qui explore les traces laissées par l'histoire dans sa propre famille. 

Dans la famille toujours, notre recommandation de la semaine est le documentaire «Bye Bye Tibériade». Une fresque au cœur de l’exil palestinien et de la transmission de sa mémoire. 

Nos précédentes éditions sont à retrouver ici. Et bien sûr à partager!

Pierre et Silouane de Kometa


«Nous sommes tous égaux face aux kalachnikovs»

Mémorial improvisé en mémoire aux victimes de l’attentat terroriste du 22 mars, près du Crocus City Hall, en banlieue de Moscou. | © Kirill Kallinikov/SPUTNIK/SIPA

Je ne peux pas ne pas penser au Bataclan. Je pense aussi à la fusillade au Pulse à Orlando. Je pense à tous ces meurtres cyniques et cruels.

Depuis vendredi dernier, on me pose cette question: Ça va? Ce n’est pas trop dur de vivre ces événements tragiques loin de Moscou?

Alors, déjà, non, ça ne va pas.

Mais je comprends les bonnes intentions et surtout la légitimité de la question: je suis d’origine russe. Je reste «russe» malgré ma carte d’identité française. Donc, dès qu’on entend que se passent des horreurs dans la ville qui a longtemps été pour moi la meilleure au monde, on m’écrit, on m’appelle.

Et la question ouvre sur toute une série d’autres questions. Des questions auxquelles je n’ai pas de réponse mais qui m’obligent à prendre des anxiolytiques.

Notre douleur est-elle plus grande lorsque le terrorisme frappe notre pays d’origine? Ou cette douleur, celle qui s’accompagne de stupeur, de peur, de crises d’angoisse nocturnes, ne serait-elle pas une douleur universelle, sans frontières? Et puis, comment comparer les douleurs? Exercice de cynisme inconcevable.

Pourtant, j’ai la sensation que notre société nous pousse de plus en plus à faire ce choix, à trouver le moins pire: un mort palestinien ou un israélien? Une victime russe ou ukrainienne? Veuillez cocher la bonne case.

Comme s’il existait des morts plus admissibles que d’autres. Comme s’il existait des morts tolérables. Des morts «moins graves» ou «plus graves».

C’est ça, le plus dur. Pas l’éloignement. Pas la distance. Mais le fait de se dire qu’on vit dans une époque où l’on nous demande de trier les morts par ordre d’importance.

Le monde est devenu un film d’horreur qui a toutes les chances d’être primé dans beaucoup de catégories à la prochaine édition du festival de Gérardmer [consacré au cinéma fantastique et d'horreur].

Aucune mort ne peut être comparée. Aucune mort ne doit être triée.

Chaque victime du terrorisme, quelle que soit sa nationalité ou sa religion, me déchire le cœur. Car nous sommes tous égaux face aux kalachnikovs.

Donc, je pense avoir trouvé ma réponse à la question qui fâche:

Oui, ça va. Je pleure, avec mon verre de rosé à la main, les yeux rivés sur mon téléphone, mais ça va. Je pleure pour ceux qui restent. Je pleure pour ceux dont la vie a été lâchement volée.

Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise?

Le monde glisse dans la nuit. Accrochez-vous à votre réverbère et attendez que le soleil se lève. Un soleil qui se lève, ça peut aussi se regarder en étant immobile, impassible, hébété. En attendant son tour.

L'intégralité du texte de Shikalov est à lire sur notre site.


La photo de la semaine

«Winter Mind», Ząbkowice Śląskie, Pologne | © Karolina Gembara

Comme un sac sur le dos, une fille serre fort son père sous son t-shirt. Ils semblent prêts à partir. Cette image a été prise dans la propre famille de la photographe polonaise Karolina Gembara, à Ząbkowice Śląskie, une petite ville située en Basse Silésie, une région passée successivement de l’Allemagne à la Pologne.

Là-bas, les changements politiques ont eu des conséquences locales. Les familles allemandes ont dû partir. Les familles polonaises venues les remplacer ont été déplacées depuis leur région d’origine, la Galicie, théâtre de massacres par les nationalistes ukrainiens en 1943.

Dans «Winter Mind», Karolina Gembara explore la peur de la séparation et les traces de cette histoire de déportations, d’enfants perdus, de familles séparées et de traumatismes sur plusieurs générations. 

Cette série d’images accompagne le récit de l’écrivain et journaliste polonais Witold Szablowski «Pardonner les vivants»: à retrouver dans notre 2e numéro «Liaisons dangereuses» (et la semaine prochaine sur notre site).


À lire ce week-end

Les films de Kometa: Se mettre à la place d’un tortionnaire iranien, prendre le train de nuit avec un Russe pas aussi sauvage qu’il en a l’air ou partager la vie rêveuse d’un enfant somnambule chez Kusturica… découvrez notre sélection pour «Liaisons dangereuses», 2e numéro de Kometa


La recommandation Kometa

Notre journaliste web Silouane Bourel vous propose de découvrir le documentaire «Bye bye Tibériade» signé Lina Soualem.

Affiche du film-documentaire «Bye bye Tibériade» réalisé par Lina Soualem | © Beall Productions

Tibériade, petite ville située en Israël, sur la rive ouest du lac qui porte son nom. Au nord, le Liban, à l’est, la Syrie et la Jordanie, et au sud, les territoires palestiniens: une région traversée d’histoires, de ruptures et d’adieux. Alors que la guerre fait rage à Gaza, le film-documentaire de Lina Soualem (réalisatrice du déjà remarqué Leur Algérie) offre au public un nouveau regard sur l’histoire palestinienne. 

Dans ce documentaire, la mère de la réalisatrice Hiam Abbas, décide à vingt ans de quitter son village palestinien pour réaliser son rêve, devenir actrice. Elle laisse derrière elle ses sept sœurs, sa mère et sa grand-mère. Trente ans plus tard, sa fille lui fait raconter devant la caméra son histoire et celle des autres femmes de sa famille. 

En choisissant cette fenêtre de l’intime, de cette famille déplacée et séparée, la réalisatrice partage aux yeux du monde l’héritage de la mémoire palestinienne. Un film qui aborde la douleur de l’exil, mais aussi la beauté de retrouvailles que l’on pensait impossibles.

Bye bye Tibériade de Lina Soualem, 1h22, actuellement au cinéma.


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A propos de Kometa

À l’origine de Kometa, une envie: comprendre le monde en allant voir là où il bouge. On ironise parfois sur ces Américains qui ne savent pas placer Paris ou Bruxelles sur une carte d’Europe, mais l’invasion russe de l'Ukraine a révélé notre méconnaissance d’une partie entière de notre continent.

Tous les trois mois dans une belle revue papier de 208 pages, chaque semaine dans ses newsletters et tous les jours sur son site, Kometa propose des grands récits littéraires, des photos d’auteurs et des débats d'idées pour saisir ce que nous n’avons pas vu se lever à l’Est. En révéler la richesse, les talents et l’incroyable complexité.

L'agenda

3 avril, 21h

Un minibus en Ukraine… et à la Maison de la poésie, Paris

Après avoir voyagé ensemble en Ukraine, l’écrivain Emmanuel Carrère, les chercheurs Tetyana Ogarkova et Volodymyr Yermolenko et le reporter David Rieff racontent leur road-trip, font une lecture de leurs textes et débattent avec Léna Mauger. Prenez vite votre place:


4 avril, 18h30

Rencontre Kometa à l’Hôtel 71 d’Arty Farty, Lyon

Léna Mauger, cofondatrice de Kometa, est l’invitée de la Public Factory de Science Po Lyon. Au programme: les grands enjeux de la création d’un média, l’exploration des formats journalistiques et le récit de l’actualité géopolitique.

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