«Mettre l’Est au centre de la carte»… Drôle d’ambition pour une revue. Si on met l’Est au centre, hé bien, il ne sera plus à l’Est. C’est notre but, changer de regard, bouger les certitudes. La semaine dernière, on vous parlait du titre auquel vous avez échappé (Potemkine). Les slogans auxquels vous avez échappé sont plus nombreux, on vous les épargne.
Tout aurait été plus simple si on avait lancé Kometa il y a un siècle.
On aurait alors déclaré, avec aplomb, que c’était une revue sur l’Orient et le monde slave. C’était pratique, l’Orient! Cela faisait rêver les voyageurs et les marchands, cela convoquait la mémoire des écrivains, de Nicolas Bouvier à Alexandra David-Néel en passant par Alexandre Dumas. Cela fleurait bon les délices de Beyrouth, les roses de Tabriz, le bazar de Samarcande, les steppes de Mandchourie.
L'Orient a disparu
Le paradoxe, c’est que l’Occident existe toujours, voire «l’Occident collectif» contre lequel Vladimir Poutine dit se battre. L’Orient, lui, a disparu. D’abord parce qu’on a condamné l’orientalisme et la condescendance qu’il portait, mais aussi parce que l’Orient lui-même a éclaté, au gré des conflits et des mouvements de frontières. Le monde slave est aussi en morceaux, déchiré par la guerre que le Kremlin a déclenchée contre un peuple qu’il disait «frère».
En 2016, lors d'une cérémonie de la Société russe de géographie, Vladimir Poutine s’est exclamé: «La Russie n’a pas de frontières». Avant d’ajouter: «c’est une blague». Il ne blaguait pas. Au fil des siècles, la Russie s’est construite par la conquête, celle du Caucase, de l’Ukraine, de la Sibérie. Ces dernières années, le Kremlin a gagné du terrain en Géorgie, en Crimée, en Ukraine à nouveau. Il a avancé ses pions en Syrie, en Afrique.
Les conséquences de l'impérialisme russe
Reste l’Est, une zone géographique de plus de 25 pays, de l’Europe de l’Est à l’Asie centrale, du Caucase à la Sibérie. Près de quinze fuseaux horaires. Avec des auteurs et des autrices, des photographes, des géographes, des historiens et des historiennes, nous allons raconter ces territoires, parce que tous sont touchés par les conséquences de l’impérialisme russe.
Nous parlerons bien sûr d’Ukraine, qui offre une résistance inouïe aux soldats de Poutine. Et de plus encore. Comment ignorer que cette guerre va changer les équilibres à l’intérieur de l’Union européenne en faveur de la Pologne et d’autres pays de l’Est? Qu’elle va influencer le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, ou celui entre le Kirghizistan et le Tadjikistan? Que l’alliance militaire renforcée entre la Russie et l’Iran va rebattre les cartes au Moyen-Orient? Que la Chine joue là une partie cruciale pour sa suprématie régionale, voire mondiale?
A l'Est de l'Est...
Bref, l’Est is more! Nous embrassons l’Est au sens large et notre comète vous embarque dans le survol d’une immense région. Parce qu’après tout, comme le dit un soi-disant proverbe chinois, à l’Est de l’Est, c’est l’Ouest.