En Ukraine, les statues de Pouchkine ont été taguées, voire déboulonnées. En Russie, on les nettoie. Et quand l'armée de Poutine a conquis Kherson, elle s'est empressée d'afficher un peu partout dans la ville occupée des portraits à l'effigie du grand poète.
Autant de manières, de part et d'autre de la frontière, au gré des événements, de voir le patrimoine culturel russe en pleine guerre.
Mais la culture russe est-elle impérialiste? C'est la question posée par le n°1 de Kometa dans sa rubrique «Perspectives», qui fait son entrée sur le site cette semaine. Dès son premier numéro, Kometa a voulu varier les regards autour d'une même question de fond. En sollicitant des chercheurs, des écrivains, des scientifiques, des artistes, «Perspectives» multiplie les angles d'approche et prend le temps de comprendre, en évitant de tomber dans une seule vision des choses.
Premier angle d'approche, celui d'une historienne kazakhe, spécialiste des marges de l'Empire russe et de l'URSS: Botakoz Kassymbekova. Le pouvoir de Moscou «utilisait Pouchkine pour effacer notre culture», se souvient-elle. Un entretien qui permet de mieux prendre en compte le point de vue, longtemps marginalisé, des peuples voisins de la Russie de Nicolas II, de Staline ou de Poutine.
Deuxième mise en perspective, celle d'un traducteur et poète: André Markowicz, auteur de Et si l'Ukraine libérait la Russie? (Seuil, 2022) fustige ceux qui assimilent la culture russe à la politique de Poutine et appelle à refuser les simplifications suscitées par la guerre. Pour lui, la complexité du monde et des textes est même «l'une des victimes essentielles» du conflit en Ukraine.
Et ce n'est pas tout. A découvrir demain sur Kometa, le regard d'Alexander Etkind. Cet historien russe, qui a quitté son pays en 2000, décèle les traces d'une pensée coloniale dans la littérature russe du XIXe siècle. Autant de perspectives qui montrent qu'à l'Est, les manières de voir le monde et l'histoire bougent.