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Notre premier numéro de 2025 sort le 15 janvier ! Avec un mot d’ordre : «Rire pour résister», une injonction qui prend tout son sens face aux menaces et aux incertitudes à même de miner nos meilleures résolutions. Et précisément, dans deux jours, le 11 janvier, une grande soirée Kometa est organisée au Théâtre de la Concorde, à Paris, sous la houlette de la marraine de ce numéro, Charline Vanhoenacker, avec des invités prestigieux, telle l’artiste Roukiata Ouedraogo qui anime cette newsletter. La soirée est déjà complète, mais une captation en sera faite, nous vous tiendrons évidemment informés.

Merci d’être à nos côtés, toute l'équipe de Kometa vous renouvelle ses meilleurs vœux!


Bonjour, c’est Roukiata Ouedraogo

Je suis née au Burkina Faso. Arrivée en France à 20 ans avec le rêve de devenir styliste, j’ai été caissière une semaine, femme de ménage dans un hôtel une journée, puis maquilleuse diplômée. J’ai atterri au cours Florent avant de travailler dans l’émission radiophonique de Charline Vanhoenacker sur France Inter, Par Jupiter. Je multiplie les seule-en-scène, dont Ouagadougou pressé (2013) et Je demande la route (2018). J’ai aussi écrit plusieurs ouvrages: Du miel sous les galettes (Slatkine & Cie, 2020), Le Petit Mari (2023) et plus récemment Un espoir rêvé (Rageot, 2024), un livre sur la complexité du monde vu par deux jeunes gens amoureux que le monde sépare.


La petite princesse de Savigny-lès-Betteraves

Pour Kometa, la proposition qui m’a été faite portait en partie sur ce sentiment de ne pas être vraiment à sa place que peuvent ressentir les gens d’origine étrangère. C’est d’ailleurs tout l’objet de la série photographique Being there (Textuel, 2023) de Lee Shulman, dont plusieurs clichés illustrent les pages où figure mon article. Nous, les gens venus d’ailleurs, sommes souvent invités pour faire le quota, pour permettre à notre hôte de démontrer son antiracisme ou pour d’autres raisons, plus liées à ce que les gens projettent sur nous qu’à nous-mêmes. D’où ce sentiment fréquent de ne pas nous sentir bien à notre place dans ces situations.

C’est ce que je raconte à travers une anecdote personnelle, à la fois pénible et formatrice. Mes débuts sur scène doivent tout aux petites associations qui faisaient de l’humanitaire au Sahel et se finançaient grâce à des fêtes de fin d’année. En un polaire après-midi d’hiver, je me suis ainsi retrouvée dans une petite ville mi-urbaine, mi-rurale, appelons-la Savigny-lès-Betteraves, pour jouer ma pièce Ouagadougou pressé.

Comme s’il avait toujours fait partie du cadre, le portraitiste sénégalais Omar Victor Diop se glisse dans les diapositives américaines des années 1950 et 1960 de l'artiste et réalisateur Lee Shulman (photo issue de Being There).
 Bonne cause, ambiance glaciale

Le client, une asso dont la présidente était la fille du maire, avait construit une école sans toilettes en Afrique. Si la soirée que je devais enjailler marchait bien, il y aurait le budget pour en ajouter l’année d’après. La cause était bonne et le cachet, honnête. À part ce froid d’avant le réchauffement climatique, tout se présentait bien. Jusqu’à ce que je rentre dans la salle des fêtes.

J’allais jouer dans une salle glaciale éclairée au néon devant trente personnes qui suçaient les os du poulet yassa en se léchant les doigts tout en bavardant sous mes yeux. Misère! Tandis que la fille du maire, telle une princesse, racontait encore et encore ses aventures africaines sous l'œil ému et fier de son père pendant que je jouais. De retour dans ma loge, en me démaquillant face au miroir, je me suis interrogée sur le sens de ma vie.

N’étais-je pas la caution malgré moi d’une pauvre farce ? Une petite princesse périurbaine se pavanait devant les notables d’une ville française qu’elle croyait être la propriété de son père tout en se rêvant en bienfaitrice de l’humanité parce qu’elle avait construit une école sans toilettes quelque part en Afrique…

Noble nostalgie

Je commençais à devenir mauvaise. Je trouvais l’intérêt des gens pour l’Afrique peu sincère, le poulet yassa, trop fade, et le riz, pas assez cuit. J’ai pris mon cachet et j’ai quitté les lieux dans l’indifférence générale.

J’ai, depuis, fait carrière dans les spectacles dits « d’humour », dans lesquels il m’arrive de me moquer allégrement du fait d’être encore trop souvent l’Africaine de service ou la femme noire des quotas. Pendant ce temps, le Sahel a basculé dans le feu et le sang. Plus personne ne va y creuser des puits ni construire quoi que ce soit, avec ou sans toilettes. Quand je vois les deux millions de déplacés de mon pays, le Burkina, et tous ces enfants privés d’école, je n’arrive plus à rire. Et je repense avec tendresse à la petite princesse de Savigny-lès-Betteraves.


L’info que j’ai retenue pour vous 

Le rejet du projet de loi 2024 sur les femmes, qui visait à décriminaliser la pratique de l’excision en Gambie. Les violences faites aux femme est une de mes grandes préoccupations, notamment en Afrique. La lutte contre les mutilations génitales est une lutte difficile, les victoires sont fragiles. La Gambie a fait peur à tout le monde avec cette loi. Mais il est finalement rassurant de voir que dans le combat que la lumière mène contre l’obscurantisme, ce dernier n’a pas toujours le dernier mot.


La personnalité historique qui m’a marquée

Le grand historien burkinabé Joseph Ki-Zerbo (1922-2006). Il publia en 1972 une histoire de l’Afrique qui se tenait à distance de l’histoire raciste du continent que se racontaient les Occidentaux jusque-là, mais aussi de l’histoire militante panafricaniste de Cheick Anta Diop. En ces temps troublés, d’excès et de passion, alors que la jeunesse africaine se cherche, je crois que nous avons toujours besoin d’une histoire claire, racontée par nous-même, les Africains, mais de manière dépassionnée et équilibrée. Ki-Zerbo a ouvert cette voie-là il y a une cinquantaine d'années. 


Une raison d’espérer

Je ne vois pas beaucoup de raisons objectives d’espérer ces temps-ci. Les informations à la télé me dépriment. L’hiver me déprime. Les températures inférieures à 30 degrés me dépriment. Mais j’ai une raison subjective d’espérer malgré tout: mon tempérament. Je refuse de croire que nous sommes collectivement aspirés par la spirale du pire. Je vois toujours une petite lumière au bout du tunnel, un rayon de soleil derrière les nuages. Je suis comme ça. Les verres à moitié vide me dépriment, je les préfère à moitié plein. L’absence d’espoir me déprime.


Le livre que je recommande 

Crépuscule des temps anciens de Nazi Boni (écrit en 1962, éd. Présence africaine, 2000). Son livre, une chronique du temps passé précolonial de mon pays, est un livre que j’ai étudié à l’école et qui ne m’a jamais quitté depuis. Je n’ai pas la nostalgie d’un monde précolonial auquel on ne reviendra pas. Ni la fantaisie d’imaginer que l’histoire de l’Afrique aurait pu être autre. Mais je crois qu’il est bon de savoir qui on est et d’où on vient. Nazi Boni (1912-1969), à sa manière, différente de celle de Joseph Ki Zerbo, apporte des réponses. Présence africaine a aussi publié de lui, à titre posthume, en 1971, son Histoire synthétique de l'Afrique résistante. 


Une phrase qui m’inspire

« Si tu veux aller vite, marche seul. Si tu veux aller loin, marchons ensemble. » 

En ces temps où les égocentrismes, les nombrilismes, les narcissismes s’affichent en gloire sur les réseaux sociaux, cette petite phrase qui remet en avant le collectif me fait du bien.

A propos de Kometa

Née du choc du retour de la guerre sur le continent européen, Kometa raconte le monde partout où il bascule, de l’intérieur, à travers les regards de celles et ceux qui le vivent. La revue fête sa première année et grandit grâce à vous, en passant de 4 à 6 numéros par an en 2025.

En vous abonnant, vous soutenez des autrices et des auteurs en résistance et un journalisme indépendant de qualité. Retrouvez tous les deux mois dans une belle revue papier des grands récits littéraires, des photos d’auteurs et des débats d'idées, et suivez-nous chaque semaine dans notre newsletter et chaque jour sur nos réseaux. Merci d'être à nos côtés!

L'agenda

11 janvier

Soirée «Kometa Comedy Club»

Une grande soirée autour du rire de résistance organisée au Théâtre de la Concorde, à Paris, avec Charline Vanhoenacker pour marraine, qui met en scène autrices, auteurs et artistes contributeurs de la revue, dont notamment Delphine Minoui, Arezki Chougar, Roukiata Ouedraogo, Atiq Rahimi, André Manoukian, et bien d’autres.


23 janvier

Librairie Maupetit Marseille - soirée spéciale Arménie

Dans le cadre de notre hors-série «Et si l'Arménie était le centre du monde», une rencontre Kometa aura lieu à la librairie Maupetit (142, La Cannebière, 13001 Marseille) le jeudi 23 janvier.

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