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Bonjour, je m'appelle Brigitte Giraud
Je suis écrivaine, je suis née à Sidi-bel-Abbés en Algérie et je vis actuellement à Lyon. Après avoir étudié l’allemand et l’anglais, j'ai été libraire, journaliste et conseillère littéraire pour la Fête du livre de Bron, dans la banlieue lyonnaise.
J'ai publié mon premier roman, La Chambre des parents (Fayard),en 1997. Une quinzaine de récits, nouvelles et romans suivront, explorant les mécanismes de domination, qu'ils soient intimes ou politiques. J'ai obtenu le prix Goncourt de la nouvelle pour L’amour est très surestimé (Stock, 2007) et le Goncourt pour mon roman autobiographique Vivre vite (Flammarion, 2022). Mes livres sont traduits dans une trentaine de langues.
Dans cette lettre d'info je vous invite à partager mon grand enthousiasme pour le roman Yellow Birds de Kevin Powers, quelques conseils culturels ou faits qui m'ont marquée.
Dans chaque numéro de Kometa, des écrivains et des journalistes rouvrent les pages d'une œuvre qui a marqué l'histoire (littéraire ou pas que) et leur histoire personnelle. Dans cette newsletter, Brigitte Giraud nous parle de Yellow Birds, du vétéran américain Kevin Powers. Le récit de la guerre des États-Unis contre l’Irak et de son quotidien tragique. Mais aussi une réflexion sur la violence des humains et du pays qui les broie puis les oublie. Un livre qui entre en résonance intime avec l’histoire du père de l'écrivaine, infirmier dans un hôpital militaire durant la guerre d’Algérie, qu’elle a romancée dans Un loup pour l’homme (Flammarion, 2017).
Petite histoire d’un grand livre: «YELLOW BIRDS»
Photographie tirée du livre «The Coast» (2019) du photographe indien Sohrab Hura, membre de l'agence Magnum.
« Un moineau jaune / Au bec jaune / S’est penché / Sur ma fenêtre / J’lui ai donné / Une miette de pain / Et j’l’ai éclaté / Ce putain d’serin… » (Chant militaire américain)
Plus la guerre menée par Israël au Proche-Orient s’intensifie, plus je perçois à quel point Yellow Birds de Kevin Powers me hante. Écrit par un jeune vétéran de la guerre d’Irak, commencée en 2003 après l’invasion du pays par les États-Unis, ce premier roman d’inspiration autobiographique a été traduit en 2013 (chez Stock), un an après avoir remporté un immense succès lors de sa sortie aux États- Unis.
Depuis, ce livre n’en finit pas de me faire signe, sans doute parce que la question Occident-pays arabes m’occupe depuis ma naissance en Algérie pendant la décolonisation ; mais aussi parce que cette guerre d’Irak, censée produire un nouvel ordre mondial fondé sur le droit international, la démocratie, la liberté, a engendré chaos et guerre civile, après qu’une précédente intervention américaine en Irak avait déjà, dès 1990, déstabilisé la région. (...)
Impossible promesse
Il y a ce héros de roman, à rebours des clichés. Bartle, jeune étudiant en littérature, souffre d’être perçu comme un homme pas tout à fait viril. Un garçon aimant lire et écrire de la poésie (l’auteur a un diplôme en poésie), ça questionne, ça inquiète, ça suscite des doutes et des violences. Pour couper court à la rumeur, rassurer les autres et sans doute aussi lui-même, Bartle endosse le costume de la masculinité.
Au moment de quitter son Kentucky natal (l’auteur vient de l’État voisin, la Virginie), il promet de veiller sur Murph, un garçon du même coin de campagne tout juste sorti de l’adolescence. Cette promesse faite à la mère donne un sens à sa mission lointaine de même qu’elle met le lecteur sous tension. Car cette promesse, il ne pourra pas la tenir. (...)
Impossible retour
Au retour de Bartle, le véritable enjeu commence. (...) Ce fameux retour, l’un des thèmes de prédilection de la littérature depuis Homère jusqu’à Duras et sa Douleur. Personne en Amérique, pas plus qu’en France ou à travers le monde, n’a le courage ni le désir d’accueillir les garçons fracassés par la guerre. Et c’est à son retour que Kevin Powers devient écrivain. (...)
Je demandais à mon père comment on revient. Porteur d’un secret honteux qui peut finir par rendre fou. Le retour impossible est ce qui m’a moi-même fait écrire, pour comprendre le long silence des appelés français de la guerre d’Algérie.
Retrouvez l'ensemble de la «Petite histoire d'un grand livre» de Brigitte Giraud dans le numéro 5 de Kometa, « Rire pour résister ».
L’info que j’ai retenue pour vous
Dans un supermarché de Zagreb, le jour de la première journée de boycott, organisée le 24 janvier.
En Croatie, pour lutter contre l'inflation et résister à la pression croissante du libéralisme, les citoyens ont eu l'idée d'organiser un boycott des commerces, dont on pourrait s'inspirer pour opposer une force contre la tyrannie de la consommation. D'abord un vendredi en janvier, puis un autre vendredi. Pas d'achats en grandes surfaces, pas d'achats sur le Net, pas de transactions à la banque... de quoi entrevoir une nouvelle possibilité de lutte qui ne passerait pas par la violence et les armes.
La date qui m'a marquée
Du 15 octobre au 3 décembre 1983 a eu lieu en France la Marche pour l'égalité et contre le racisme, nommée aussi Marche des Beurs. Ce fut le premier mouvement national du genre. Qui permit tous les espoirs d'une société plus juste.
Le livre que je recommande
Guerre et pluie de Velibor Čolić (Gallimard, 2024). Un immense livre du grand écrivain d'origine bosniaque réfugié en France, enrôlé à 28 ans dans l'armée croato-bosniaque au moment où la Bosnie est agressée par l'armée fédérale ex-yougoslave. Ce que dit ce récit puissamment électrique est la façon dont la guerre modifie en profondeur un homme, jusqu'à ce que les digues physiques et psychiques les plus ancrées sautent, jusqu'à ce que la honte n'existe plus. Et change les apprentis soldats en machines dépourvues d'émotions et de consciences, mus par la peur, l'instinct de survie, l'ennui, la rancœur et le désespoir.
Un livre addictif qui va au bout de l'expérience, dit autant la douceur, la mémoire, le rêve que la panique, l'absurdité et l'effroi. Indispensable manuel de survie et de résistance traversé par la beauté de l'écriture et l'espoir qu'une autre vie est possible ailleurs.
Le film que je recommande
Le film documentaire Apolonia, Apolonia de Lea Glob (2022). Lorsque la réalisatrice danoise décide de filmer la peintre Apolonia Sokol, née à Paris et d’origine danoise et polonaise, il ne devait s'agir que d'un bref exercice de fin d'études de cinéma. Mais fascinée par la jeune femme, Lea Glob ne pourra pas se détacher de son sujet pendant treize années, happée par le feu intérieur qui la brûle. En regard d'Apolonia, apparaît également Oksana Chatchko, la fondatrice des Femen au destin tragique. Un film qui dit tout de la relation à l'art, à la violence du monde contemporain, au féminin et au pouvoir de l'amitié.
Une phrase qui m’inspire
« Un homme ça s'empêche. »
Cette phrase est tirée du Premier Homme d’Albert Camus. Le personnage dit cela devant le corps d'un camarade torturé. Mais plus globalement, à l'époque où la parole est proférée à tort et à travers, sans filtre ni retenue, il me semble urgent de nous empêcher de parler trop vite, trop fort, et de laisser libre cours aux pulsions mortifères qui prennent le pas et commencent à remplacer la pensée.
Une raison d’espérer
J'attends le résultat des élections législatives en Allemagne. J'aimerais que le résultat soit une raison d'espérer. Mais je suis encore sous la sidération de l'alliance CDU/extrême droite (AfD). Même si la grande manifestation qui a réuni plus de 250 000 personnes à Munich, le 8 février, est un signe fort de résistance.
Née du choc du retour de la guerre sur le continent européen, Kometa raconte le monde partout où il bascule, de l’intérieur, à travers les regards de celles et ceux qui le vivent. La revue fête sa première année et grandit grâce à vous, en passant de 4 à 6 numéros par an en 2025.
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L'agenda
13 Février
Soirée «RADIO VLADIMIR»
À l’occasion de la publication du livre Radio Vladimir de Filipp Dzyadko, la revue Kometa, les éditions Stock et Reporters sans frontières font entendre les voix de trois dissidents russes en exil : Filipp Dzyadko, Dmitry Velikovsky et Daniil Beilinson, rassemblés le temps d’une soirée animée par Cécile Vaissié, professeure des universités en études russes, soviétiques et post-soviétiques à l’université Rennes-II.
Rencontre avec l'écrivaine ukrainienne Yuliia Iliukha
Rencontre avec Yuliia Illukha à l'Espace des femmes (33-35, rue Jacob 75006 Paris) à l'occasion de la sortie de son livre Mes femmesaux éditions des Femmes – Antoinette Fouque. Julia de Gasquet, maîtresse de conférences à l'Université Rabelais de Tours et chargée de cours à l'Institut d'études théâtrales de Paris III, lira quelques extraits du texte. Une rencontre animée par Haydée Sabéran, rédactrice en chef adjointe de Kometa.