Qu'ils soient de Russie ou non, en Israël, on appelle «Russes» les juifs originaires de l’ex-Union soviétique. Ces «Russes israéliens» ou «Russes d’Israël» sont les héritiers des «refuzniks», qui se battaient pour les droits humains, contre le totalitarisme et le Goulag; mais aujourd’hui, ils votent massivement à droite voire à l’extrême droite et soutiennent souvent la politique du pire à Gaza.
L’Union soviétique leur a longtemps refusé la migration autorisée aux juifs du monde entier, tandis que sur place, ils servaient surtout à concurrencer le poids démographique des Arabes israéliens. La plupart connaissaient mal le judaïsme et ne savaient pas vraiment où ils mettaient les pieds. Désormais, leur nombre (un million et demi de personnes, près de 10% de la population) en fait la première communauté d’Israël. Faisant et défaisant les coalitions, ils ont gagné une influence centrale dans la vie politique du pays et contribué à porter au pouvoir Benjamin Netanyahou. Nombre d’entre eux sont anti-Arabes, loin des idéaux démocratiques qui les animaient en URSS.
L’histoire des Russes d’Israël se poursuit dans le double contexte de la guerre en Ukraine et à Gaza. L’invasion du 24 février 2022 a fait venir en masse de nouveaux immigrants, s’ajoutant aux générations qui s’étaient succédé depuis le desserrement de la politique migratoire de l’URSS, dans les années 1980. Mais une autre date a bouleversé la vie de ces juifs qui avaient, eux aussi, fui vers Israël.
Le 7 octobre 2023, le Hamas massacre 1200 civils israéliens, suivis jusqu’à aujourd’hui par trois mois de bombardements intensifs et de blocus presque total de la bande de Gaza. Fuyant une guerre, les Russes d’Israël sont tombés dans une autre. Pour eux, les deux guerres tissent un fil tendu entre leurs deux mondes, deux histoires, un fil qui menace sans cesse de rompre. Certains tentent d’oublier de trop lourds questionnements. D’autres y cherchent au contraire une définition de leur identité. D’autres encore sont plus va-t-en-guerre que les faucons israéliens. Rares sont ceux qui s’insurgent contre la politique du pire menée par leur nouvelle patrie.
Comment vit-on entre deux guerres? Pour le comprendre, le journaliste Lucas Menget est allé à la rencontre de ces Russes d'Israël et raconte leur vie et leur point de vue dans Kometa. Il revient de Tel Aviv et Jérusalem avec six portraits.
On y rencontre Micha, un étudiant venu vivre sa religion dans la foulée de la guerre en Ukraine. Kirill, qui vit en Israël depuis 1999 et déprime devant les infos. Les coiffeuses «cool» Anna et Moriya, qui craignent pour leur famille en Russie. Timur, qui fuit la conscription russe, mais s’engage dans l'armée israélienne. Et Ludmila, une déplacée du nord du pays.
Autant de vies prises entre deux guerres, racontées en quatre épisodes sur Kometa. Découvrez le premier en libre accès. Pour lire la suite, vous pouvez vous abonner et bénéficier d'un tarif avantageux.