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Bonjour, c'est Léna Mauger, rédactrice en chef de Kometa,

Le 6 novembre, des millions de citoyens et des dizaines de dictateurs se réjouissaient déjà de la victoire d’un milliardaire autoritaire, climatosceptique, condamné en justice, maniant le mensonge et l’outrance, dénigrant les femmes et les immigrés. C’est brutal, mais c’est le monde dans lequel nous vivons. On peut désespérer. On peut aussi chercher à comprendre : interroger le passé, regarder le présent en face et raconter, sur le terrain, ce monde où il bascule. C’est ce que fait Kometa depuis un an. Fébriles, tremblants, nous pensons ce matin aux Ukrainiens, aux Palestiniens, aux Iraniennes, à celles et ceux qui, au plus profond de leur chair, se demandent quelles conséquences cette élection aura sur leur vie. Plus que jamais, nous savons pourquoi nous voulons garder la mémoire de cette époque tourmentée. Penser, c’est déjà résister. Merci de nous lire…


Bonjour, je m’appelle Robin Graubard

Je suis photographe, autrice de Road to Nowhere. Eastern Europe 1993-1995 (Loose Joints, 2022). Auparavant, j’ai réalisé le premier film en couleur des groupes Ramones et Talking Heads en concert à New York en 1976. Et entre-temps, j'ai travaillé pour des journaux et des magazines, et j'ai exposé mon travail dans des musées et des galeries d'art.

J'ai grandi à New York et j’y habite toujours, à Manhattan. Mon père, qui a aujourd'hui 99 ans et vit à Los Angeles, a été le premier vendeur de poupées Barbie dans les années 1950. Fan de baseball et des Mets, c’est  un partisan ardent de Kamala Harris.


Ma soirée électorale

J'aimerais pouvoir dire qu'être agent électoral à New York a été une expérience amusante, mais ce n'est pas le cas. Je suis arrivé à 5 heures du matin et j'ai essayé d'installer l'isoloir dans les règles de l'art. La superviseuse était à bout de nerfs et quelque peu méchante. Chaque fois que je posais une question, elle répondait « Je vous l'ai dit cent fois », sans jamais connaître la réponse à ma question. C'était chaotique, mais cela s'est vite calmé avec une longue file de gens qui attendaient patiemment de voter et des scrutateurs qui prenaient le coup de main. Pendant ma pause déjeuner, mon amie partisane de Trump – dont je vous partage dans cette newsletter des extraits de notre correspondance – m'a envoyé vingt textos pour m'annoncer que de nombreux juifs orthodoxes du New Jersey votaient pour lui. J'ai dû éteindre mon téléphone.

Gueule de bois du lendemain 

Ayant travaillé 17 heures d'affilée le jour de l'élection, ma gueule de bois a été aggravée par l'annonce de la victoire de Trump. Je suis abasourdie et dévastée, mais d'une certaine manière, je l'accepterai et j'essaierai de vivre pendant les quatre prochaines années – avec un peu de chance, il y aura des freins et des contrepoids – même si je continuerai à m'opposer à ses actions. Mon neveu est devenu papa d’une petite fille la nuit précédant l'élection. À quoi ressemblera le monde pour elle ? Comment mon père de 99 ans, vétéran de la Seconde Guerre mondiale et partisan de Harris, va-t-il s'en sortir ?  L'avenir nous le dira...


Robin Graubard vous écrit… 

Chaque semaine, Kometa donne la parole à ses auteurs et photographes. Aujourd'hui, la photographe américaine nous livre un dialogue inédit qu’elle a eu sur les élections avec une amie qui vote Donald Trump.

Mariage en Albanie © Robin Graubard Courtesy Loose Joints

Notre correspondance a commencé innocemment, autour de la famille, des voyages, de la nourriture ou des soucis de santé. Je n'imaginais pas une seconde qu'elle se poursuivrait pendant plus d'un an et que la politique finirait par bouleverser notre amitié. Trump semble détruire presque tout ce qu'il touche, y compris de longues amitiés entre des personnes qui lui sont étrangères. Il est comme un petit ami ou un mari violent qui emporte tout sur son passage. Je le vois comme un criminel de carrière. Un voyou qui s'enorgueillit d’être nocif. La combinaison d'une idée tordue de la virilité et de la fascination intemporelle de l'Amérique pour le romantisme de ses criminels, de Jesse James aux tueurs en série.

La conversation démarre alors que mon amie, Nancy, reprend à son compte les propos de Trump qui a affirmé que «Kamala Harris n’aimait pas les juifs». 

26 juillet

Nancy: Le premier geste de Kamala en matière de politique étrangère a été de ne pas assister au discours de Netanyahou au Congrès. Elle a envoyé un message aux ennemis d'Israël: elle ne traitera pas avec ce pays si elle est élue. C'est une honte. Et c'est antisémite. Traiter Israël différemment d'un autre allié l’est aussi. A-t-elle critiqué un autre dirigeant mondial de la sorte ?

27 août

Robin: Trump est un escroc. Ses fans sont stupides – dignes de la dévotion aveugle et mortelle à Jim Jones (gourou responsable du massacre de Jonestown en 1978). Trump est un suprémaciste blanc déclaré. La seule raison pour laquelle il dit soutenir Israël est l'argent. Il ne roule que pour lui-même, ne s’intéresse au peuple juif que pour son propre intérêt.

28 août

Nancy:  C’est toi qui t’aveugles dévotement. Les démocrates d'aujourd'hui ne sont plus ceux dont nous nous souvenons. Harris est mauvais pour Israël – je préfère Trump.

30 août

Robin: Je ne crois pas un mot de ce que dit Trump, qui est un cochon de fasciste. Donc même si ma vie en dépendait jamais je ne le soutiendrai. J'essaie aussi de ne pas m'informer sur X auprès de gens qui ne sont pas dignes de confiance et ne font que déverser leur rage. Harris veut négocier un plan de paix et mettre fin à la guerre et j'espère vraiment qu'elle y parviendra.

Nancy: Je sais que tu ne voteras jamais pour Trump... Un cas extrême de «Trump derangement syndrome» (terme utilisé pour décrire la «folie» virale des détracteurs de l’ancien président). Il est absurde que Kamala dise qu'elle veut la paix... Tout le monde veut la paix... Mais comment va-t-elle s'y prendre? Au passage, il y a d'autres politiques qu'elle a mises en place avec lesquelles je suis en désaccord. Trump sera meilleur pour l'économie, pour plafonner l'inflation, pour l'impôt sur les plus-values et le contrôle des prix. Mais ce n'est pas ma préoccupation principale. Le peuple juif est confronté à une menace sans précédent depuis l'Holocauste.

Robin: Trump et son colistier Vance sont des criminels irresponsables et dangereux pour ce pays et pour le monde. Il va déclencher une troisième guerre mondiale, une guerre raciale et une guerre civile. Les États-Unis deviendront comme l'Allemagne nazie car il expulsera des gens en masse et les enfermera. L'Europe a peur de Trump, car il fait partie du groupe de Poutine. De son propre aveu, il donnera l'Ukraine à la Russie et la Russie finira par envahir l'Europe. Pourquoi un pays comme la Finlande rejoint l'OTAN, sinon pour se protéger de Poutine? Trump, lui, veut nous retirer de l’Alliance atlantique. Il est juste intéressé par faire des affaires et s'enrichir avec les pays arabes. Israël n'est qu'un pion dans ses plans d'enrichissement rapide. Tu ne sais donc pas qui est cet homme ?

Nancy: Il peut trahir l'Ukraine, mais pour l'instant, je m'inquiète pour Israël. Et Kamala va trahir Israël. 

Robin: Elle fera ce qu'il faut: récupérer les otages et arrêter la guerre. Je tiens trop à notre amitié pour me disputer sur des choses sur lesquelles nous n'avons aucun contrôle et ne pouvons pas changer. Restons apolitiques.

23 septembre

Robin: Je ne peux plus parler de tout ça. J'ai mal au dos à cause du stress. De mon point de vue, nous pouvons être des ennemis politiques – Trump contre Harris – et rester amies, mais c’est sans doute trop explosif pour qu’on continue à en parler.

Nancy: Je suis heureuse de ne pas t’avoir entendue protester contre la venue d’Israël à l'ONU. C'est vraiment aller trop loin, même si je ne dirais pas que nous sommes des ennemis politiques. Nous n'aimons pas Trump toutes les deux, c'est juste que je ne peux pas voter pour Harris. Je suis d'accord pour dire que nous ne devrions pas parler de politique avant l'élection.


Mon article pour Kometa

Cette série de photographies est tirée d'un journal que j'ai tenu lors de mes voyages dans les Balkans et en ex-Yougoslavie pendant la guerre, au début des années 1990, après la chute du communisme. On voit des jeunes assistés à un concert de rock, des femmes fatiguées qui fument en dessous d’une affiche de pin-up, des hommes sur une ligne de front près de Mostar (Bosnie), un entraînement de soldats bosniaques (musulmans) à Sarajevo, des scènes de rue, un mariage en Albanie…


Une figure historique américaine marquante

James Baldwin et mon oncle Robert Eisenberg. Il travaillait pour le magazine littéraire The Magpie dans son lycée du Bronx et a publié Baldwin et Richard Avedon qui y étaient élèves. Robert, soldat de la 36e division de l'armée américaine, est mort à 18 ans à Sainte-Marie-aux-Mines, en France, pendant la Seconde Guerre mondiale. Je me demanderai toujours, sans jamais le savoir, si Baldwin pensait à mon oncle lorsqu'il a écrit Un autre pays.


Une raison d’espérer

Le pragmatisme de Kamala Harris. Ce sera un soulagement d'en finir avec les mensonges et les traumatismes de la campagne de Trump, diffusés à longueur de temps par les journaux télévisés acquis à sa cause. Il sera tellement humain et rafraîchissant d'entendre de la part de Harris des solutions pratiques et réalisables au chaos et au désordre du monde, et de réduire au silence le possible règne de terreur de Trump.


Un film à recommander

Un film de la Nouvelle Vague française, Cléo de 5 à 7 d’Agnès Varda. Dans ma jeunesse, j'avais l'habitude d'aller au Bleecker Street Cinema et au Carnegie Hall Cinema à New York et de regarder parfois deux films d'affilée de réalisateurs comme Truffaut, Rohmer, Malle, Varda. Ces films étaient tellement plus réels et imparfaits, honnêtes et romantiques que les films commerciaux à gros budget, avec des personnages auxquels je pouvais m'identifier.


Une phrase inspirante

Prenez le genre de photos que vous aimeriez voir. La vie est une lutte constante pour bien faire son job, quelles que soient ses émotions. J'appelle mon travail du «documentaire abstrait». Ayant étudié la production cinématographique, je photographie comme si je faisais un film. Appareil photo incliné, autoréférentiel, années 1960, étranger mais familier, sujet et aliénation.


Notre partenaire pour ce numéro

L’Union générale arménienne de bienfaisance (UGAB) est la plus grande organisation dédiée au rayonnement de la culture arménienne. Présente dans plus de 36 pays et 70 villes, l’UGAB impacte la vie de 500 000 personnes par an en Arménie, en Artsakh et dans la diaspora, grâce à ses programmes éducatifs, culturels et humanitaires. Depuis sa création en 1906, l’UGAB est restée fidèle à son objectif initial: permettre la prospérité des Arméniens du monde entier.

A propos de Kometa

Née du choc du retour de la guerre sur le continent européen, Kometa raconte le monde partout où il bascule, de l’intérieur, à travers les regards de celles et ceux qui le vivent. La revue fête sa première année et grandit grâce à vous, en passant de 4 à 6 numéros par an en 2025.

En vous abonnant, vous soutenez des autrices et des auteurs en résistance et un journalisme indépendant de qualité. Retrouvez tous les deux mois dans une belle revue papier des grands récits littéraires, des photos d’auteurs et des débats d'idées, et suivez-nous chaque semaine dans notre newsletter et chaque jour sur nos réseaux. Merci d'être à nos côtés!

L'agenda

9 novembre

Salon du livre de l’ESJ Lille

L’ESJ Lille présente le Journalivre, son 1er salon du livre journalisme et média. Haydée Sabéran, rédactrice en chef adjointe de notre revue, participera à la table ronde «Quand le journalisme prend le temps...» avec Marion Pillas, cofondatrice et rédactrice en chef de la Déferlante et Elsa Fayner, rédactrice en chef de la Revue XXI.


15 novembre

Sortie du numéro spécial Arménie + soirée à l'UGAB Paris

Dans les locaux de l'UGAB, dans le 17e à Paris, la revue Kometa vous fera vivre et vibrer au rythme de l’Arménie, avec au programme :

-Des lectures de lettres entre le réalisateur Serge Avédikian et son ami Osman Kavala, emprisonné en Turquie ; entre le journaliste et ancien correspondant à Erevan Constant Léon et son amie Heghine.

-L’Arménie par son contraire. Tigrane Yegavian, chercheur à l’Institut chrétiens d’Orient, se penchera non pas sur ce qu’est l’Arménie, mais sur ce qu’elle n’est pas. Petit inventaire à la Prévert sur scène.

- Les Arméniens vus d’ailleurs, avec les écrivains Karim Kattan et Pinar Selek.

- Une histoire familiale incroyable, celle de la journaliste Taline Oundjian, dont l’aïeule, Serpuhi, a grandi dans le même orphelinat que Mélinée Manouchian, avant d’aller « construire l’Arménie de demain ! » au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, aveuglée par la propagande Staline.

- Un concert de jeunes musiciens arméniens, Dziran.

... et du bon vin (arménien) à partager !

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