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Quatre auteurs et autrices de Kometa racontent un conte de Noël à leur façon – en Bulgarie, Palestine, Arménie ou Tchétchénie.  

Elitza Gueorguieva

Mon Noël avec la mafia

En Bulgarie, quand j'étais enfant, nous fêtions Noël le 31 décembre. J'ai un souvenir incroyable du 31 décembre 1993, j'avais 11 ans. Cela faisait quatre ans que l'ancien président et dictateur communiste Todor Jivkov avait été renversé et placé en résidence surveillée. Ses villas de luxe, un peu partout dans le pays, avaient été abandonnées ou récupérées par des mafias. Un ami de notre famille avait trouvé des places dans l'une d'entre elles, perdue dans les montagnes, et mes parents ont sauté sur l'occasion d'y faire la fête.

On aurait dit un vaisseau spatial, comme l'Enterprise de Star Trek. Pour moi et les enfants des amis de mes parents, c'était un terrain de jeu incroyable. Il y avait plein de niveaux, de cachettes, dans un endroit certes montagneux mais d'un luxe démesuré par rapport à notre réalité encore socialiste et très modeste. Le lendemain, comme dans un conte, il y a eu de la neige partout, au point qu'on ne voyait rien. La petite fille que j'étais en garde un souvenir enchanté. 

Flingues, cauchemar et eau de vie chaude 

Et puis, très récemment, ma mère m'a raconté son souvenir à elle. Nos familles étaient les seules familles ordinaires. Toutes les autres, c'étaient des mafieux avec leurs enfants mais aussi leurs flingues. Et quand la neige est tombée, bloquant les voitures, on s'est retrouvés coincés avec ces mafieux. Mais ma mère, qui tenait le volant, a réussi à faire démarrer notre vieille Škoda (avec le moteur à l'arrière) et à vaincre les conditions climatiques.

Elle a conduit pendant deux ou trois cents kilomètres dans la neige, complètement crispée, jusqu'à Sofia. Le seul moment où enfin elle a pu souffler et se détendre, c'est quand mon père lui a préparé en arrivant une eau de vie chaude. Un peu comme un vin chaud. C'est ce qu'on fait l'hiver chez nous, c'est très bon, moins fort et plus sucré qu'une eau de vie normale, ça donne du réconfort. 

Bref, mon plus beau 31 décembre avait été le pire cauchemar de ma mère.

© Doris Peter

Elitza Gueorguieva est née à Sofia, en Bulgarie, et habite en Île-de-France. Elle a réalisé Chaque mur est une porte en 2017 et Notre endroit silencieux en 2021 (Les films du bilboquet); et écrit Les cosmonautes ne font que passer en 2016 et Odyssée des filles de l’Est en 2024 (éd. Verticales). Elle explore les liens entre le réel et le fantasque, entre le politique et l’intime, entre le burlesque et la mélancolie. Elle a écrit deux articles pour Kometa: «Courir après les étoiles» (n°4), où elle raconte la Bulgarie juste après la chute de l’URSS en 1991; «Comment séduire la Dame de la préfecture» (n°5, à paraître le 15 janvier) sur son parcours de naturalisation française.


Serge Avédikian

Porteur de bonne nouvelle

Les Arméniens fêtent Noël le 6 janvier. C'est le jour où les rois mages, Melchior, Gaspard et Balthazar, reconnaissent Jésus comme la «bonne nouvelle». Selon le christianisme apostolique arménien, Jésus n'est pas né «divin enfant», il le devient par la reconnaissance des sages et du monde. Le fait qu'il soit né humain veut dire peut-être que tout le monde a une part de divin qu'il faut arriver à reconnaître. C'est comme ça que j'ai compris les choses. 

Quand j'étais enfant, la fête en Arménie soviétique avait lieu le 31 au soir, pour le Nouvel An. On essayait de manger ce qu'on ne mangeait pas dans l'année, des oranges, des olives, des noix… et d'autres fruits qui ne se cultivent pas en Arménie, si on arrivait à en trouver. 

Dans la banlieue d'Erevan où on habitait, je me souviens qu’à minuit les gens allaient symboliquement changer l'eau qu'ils avaient prise à la fontaine. Il n'y avait pas l'eau courante partout, on allait la chercher avec des seaux. Pour la nouvelle année, on retournait à la fontaine pour vider l'eau et en chercher une nouvelle.

Formule magique

Le jour de Noël, le 6 janvier, était sans exubérance. C'était rempli de simplicité, de sagesse et de partage de souvenirs profonds. C'est-à-dire qu'on n'allait pas à l'église, puisqu'il n'y avait pas de messe, mais on allait chez mon grand-père Avedis, on lui embrassait la main, en lui disant la «formule» (Melchior, Gaspard et Balthazar, Avedis) et il racontait l'histoire de Melchior, Gaspard et Balthazar et de la bonne nouvelle – «Avedis» en arménien. Avedis, ce n’est pas seulement le prénom de mon grand-père, mais aussi l'origine de mon nom de famille, Avédikian… Donc j'ai hérité de l'idée qu'il faut que j'apporte la bonne nouvelle, si possible, à chaque fois que je vais quelque part où on m'attend!

C'est devenu une «mission» presque naturelle pour moi, qui ne suis pas croyant mais dans la «crainte de dieu», s'il existe...

Collage réalisé en 1973 d’après La Cène de Léonard de Vinci. © The Sergey Parajanov Museum

Serge Avédikian est né en Arménie soviétique et arrivé en France à l'âge de 15 ans. Acteur, il est aussi auteur et producteur de documentaires et de fictions, dont Le Scandale Paradjanov (2013). Pour le hors-série Kometa sur l’Arménie (automne 2024), il a correspondu avec l’opposant turc emprisonné Osman Kavala, et écrit un article sur le cinéaste Sergueï Paradjanov. 


Karim Kattan

Les lumières de Bethléem  

J’essaie d’aller chaque année à Bethléem pour Noël, un moment que j’attends toujours avec impatience. Bethléem, c’est ma ville. Chaque année, les 24 et 25 décembre, ce petit coin de Cisjordanie semble devenir le centre du monde. Même si en ce moment, Noël est évidemment sombre, sinistre, sans lumière. L’an dernier, en deuil pour et avec Gaza, la crèche de Noël devant la basilique de la Nativité représentait un Jésus entouré de ruines et de gravats.

Dans des périodes un peu plus paisibles (bien que ce mot se discute en ce qui concerne la Palestine), Bethléem se pare de ses plus belles lumières et la nuit dévoile tous ses secrets au monde. Le 24 décembre, vers midi, la procession du patriarche latin entre dans la ville en grande pompe et se dirige vers la Nativité. Le patriarche célèbre ensuite la messe de minuit, dans plusieurs langues. Cette célébration dure jusque tard dans la nuit. À Bethléem, il y a plusieurs messes de minuit, dispersées dans toute la ville. J’aime assister à ces moments uniques : l’ambiance nocturne, les lumières scintillantes, l’encens, la foule, le recueillement, et surtout cette longue nuit d’attente, qui semble interminable jusqu’au jour naissant.

Promesse de floraison

Évidemment, les journalistes du monde entier affluent à cette occasion, et on a l’impression que tous les regards sont braqués sur nous. Malgré la période terrible que nous traversons, Noël reste essentiel pour Bethléem: c’est ainsi que la ville se voit, s’imagine, se rêve.

Pour moi, la saison de Noël à Bethléem commence avec la Sainte-Barbe (ou Barbara), le 4 décembre, une fête que nous célébrons avec un dessert appelé bourbara. Cette bouillie de blé, agrémentée de fruits confits, de graines de grenade, de cannelle, de clous de girofle et saupoudrée de douceurs sucrées, est à la fois chaude, visqueuse, acidulée et sucrée.

Ce plat me fait beaucoup penser à Déméter et Perséphone, la manière dont ces déesses grecques de la mort et de la renaissance sont un peu un mélange du blé et de la grenade, dont elles incarnent le cycle des saisons. La bourbara c’est un peu un rite païen: la promesse de la floraison après les longues nuits froides de l’hiver. 

La période entre la Sainte-Barbe et la nuit de Noël, qui est donc la nuit où émerge la lumière, ce sont vraiment éclosions et scintillement dans la nuit noire. Pour moi, cela incarne parfaitement ce que Noël représente et ce que cette saison signifie pour nous, à Bethléem.

Représentation de Bethléem à Noël (image créée par une intelligence artificielle).

Karim Kattan est un écrivain de Bethléem. Il a publié deux romans: Le Palais des deux collines (Prix des Cinq Continents de la francophonie, 2021) et L’Éden à l’aube (2024) aux éditions Elyzad. «Il est trop tard pour être américain» (Kometa n°4) raconte son road trip aux États-Unis et revient sur sa fascination-répulsion pour l’Amérique à l’heure de l’écrasement de Gaza.


Aude Merlin

Le Père Gel à travers les bombes

C'était en 2000, en Tchétchénie, en pleine guerre, alors que j’accompagnais Daniel Mermet comme interprète-reporter pour l’émission «Là-bas si j’y suis», en reportage. On était en décembre, juste avant Noël, dans un orphelinat à Argoun, alors que se déroulait une opération de «nettoyage»: la ville était encerclée par les forces fédérales russes qui fouillaient les maisons et y jetaient parfois des explosifs.

À un moment donné, il y a eu des bombardements, des tirs. Les enfants repéraient chacune des armes, chacun des explosifs rien qu'au son. La plupart des dessins aux murs contenaient des morts, du sang, des ruines. Et puis j’ai remarqué un dessin avec un petit cygne blanc avec un collier de perles autour du cou. 

Quand on est parti, les enfants nous ont posé une question sur le Père Noël – ou plutôt comme on l'appelle là-bas le Ded Moroz, le «Père Gel», qui vient voir les enfants le jour de l'An, pour leur donner des confiseries et des cadeaux. Ils ont demandé: «Est-ce que le Père Gel va pouvoir passer les checkpoints pour arriver jusqu'à nous ? Il ne sera pas arrêté ?»

Ded Moroz, le Père Gel. (Image créée par une intelligence artificielle.)

Aude Merlin est professeure en science politique à l’Université libre de Bruxelles, spécialiste de la Russie et du Caucase. Elle a donné une interview dans le 2e numéro de Kometa où elle montre comment le Kremlin, vingt ans avant les Ukrainiens, a défini les Tchétchènes comme des ennemis à contrôler, dans un contexte profondément colonial.



11 janvier 2025: sauvez la date!

Avant la sortie de notre 5e numéro, «Rire pour résister», prévue le 15 janvier, une grande soirée aura lieu à Paris au Théâtre de la Concorde, animée par la marraine de notre numéro, Charline Vanhoenacker. Plus d'infos à suivre sur nos réseaux et dans notre prochaine lettre d'infos.

A propos de Kometa

Née du choc du retour de la guerre sur le continent européen, Kometa raconte le monde partout où il bascule, de l’intérieur, à travers les regards de celles et ceux qui le vivent. La revue fête sa première année et grandit grâce à vous, en passant de 4 à 6 numéros par an en 2025.

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L'agenda

14 janvier 2025

Médias en Seine

Médias en Seine, le premier festival international des médias de demain, fera son grand retour le 14 janvier 2025. Une nouvelle journée qui prend place dans la période d'investiture du président américain élu en novembre 2024 et de désignation du nouveau président et de deux nouveaux membres de l'Arcom.


23 janvier 2025

Soirée spéciale Arménie à Marseille

Dans le cadre de notre hors-série «Et si l'Arménie était le centre du monde», une rencontre Kometa aura lieu à la librairie Maupetit (142, La Cannebière, 13001 Marseille) le jeudi 23 janvier.

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