Dans le nouveau numéro de Kometa, «Fabriquer l'oubli», je suis allé à la rencontre d’une grande autrice européenne d’aujourd’hui: Sofi Oksanen. Je vous présente une figure-clé de la scène intellectuelle de l'Europe du Nord est.
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Quelques mots pour me présenter. Ancien journaliste (pour Le Monde, Le Point, le New York Times, le Frankfurter Allgemeine Zeitung et le Corriere della Sera), essayiste (L’impossible retour, Flammarion, 2007 ; Eloge de l’esquive, Grasset, 2014) et romancier (La disparition de Josef Mengele, Grasset, prix Renaudot 2017), j’ai choisi Sofi Oksanen comme représentante de la littérature finlandaise parmi les 27 auteurs européens du Grand Tour, un autoportrait de l’Europe que j’ai dirigé dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne (Grasset, 2022). Mesopotamia, mon prochain roman (à paraître chez Grasset en août 2024), raconte l’odyssée moyen-orientale de Gertrude Bell, archéologue et aventurière qui créa le royaume d’Irak après la Première Guerre mondiale.
Européen, mon récit dans Kometa se situe dans la continuité de mon travail engagé depuis des années sur la culture et la civilisation européennes. Pour votre revue, j’ai voulu recueillir le point de vue d’une autre Européenne convaincue: Sofi Oksanen, autrice du best-seller mondial Purge (Stock, 2010). Je suis allé la voir chez elle, à Helsinki, en Finlande, où la menace russe a toujours été omniprésente. Dans ses récits et ses romans, elle démontre que les mémoires des petites nations, notamment celles qui furent occupées par l’Union soviétique de la Seconde Guerre mondiale à la chute du Mur de Berlin, ont été passées sous silence. Son témoignage illustre avec force le thème du nouveau numéro de Kometa, «Fabriquer l’oubli»: «l’expérience totalitaire des pays de l’Est sous le communisme n’a pas été intégrée à la mémoire occidentale du continent».
Sofi Oksanen est une écrivaine engagée. Elle a longtemps mis en garde les Finlandais des manigances russes et du danger que présentait le régime de Poutine. Pourtant, des années durant, elle n’a pas été entendue ; elle a même été soupçonnée d’être une agente de la CIA. Aujourd’hui, elle est enfin écoutée.
Je l’ai rencontrée afin que nous évoquions son dernier livre (Deux fois dans le même fleuve, Stock, 2023), un récit sur les crimes de guerre russes contre les femmes en Ukraine. Dans toute son œuvre, Sofi Oksanen s’est donnée comme mission de transmettre la mémoire de l’Estonie, son pays de cœur, d’où sa mère est originaire, notamment le génocide culturel perpétré par les Soviétiques dans les Pays Baltes après leur retour au début des années 1940.
Vous pourrez retrouver mon portrait de Sofi Oksanen dans le nouveau numéro de Kometa, en librairie le 5 juin.
Artiste plasticienne finlandaise, photographe et vidéaste, Elina Brotherus partage sa vie entre la Finlande et la France. Inspirée par l’autoportrait pour la «libération artistique» qu’il permet, elle crée des images qui révèlent autant la nature que ses sentiments. L’artiste travaille toujours seule : «J’appréhende le monde comme des scènes où quelque chose peut se passer, se dérouler, une action, ou même quelque chose de figé», disait-elle sur France Culture.
Dans cet autoportrait, on retrouve Elina Brotherus pagaies en main, ramant vers un bateau en plein naufrage. La tête tournée vers lui, elle porte le chapeau iconique de l’artiste Joseph Beuys. Par ses autoportraits, elle se penche sur des grandes figures de l'histoire de l'art: elle réinterprète les performances du mouvement Fluxus et rejoue notamment celles du plasticien allemand. Son intérêt? Apporter un female gaze et ainsi proposer un regard féminin sur le travail de l’artiste.
Le travail d’Elina Brotherus illustre le récit d’Olivier Guez dans le nouveau numéro de Kometa.
Une rencontre«Oublier la Russie» animée par Serge Michel, avec les écrivains Iva Pezuashvili (Géorgie), Artem Chapeye et Natalka Vorojby (Ukraine) se tenait ce week-end au festival Etonnants Voyageurs de St-Malo. Merci d'être venus si nombreux et nombreuses!
...et à Marseille
Après St-Malo, les rencontres Kometa continuent à Marseille. À l'occasion de la 8e édition du festival littéraire Oh les beaux jours!, venez assister ce dimanche 26 mai à la rencontre «En quête de liberté»: un dialogue entre Elitza Gueorguieva (Bulgare) et Sergueï Shikalov (Russe), animé par Pierre Benetti, rédacteur en chef adjoint Web.
Pour l'occasion, découvrez en avant-première les images d'archives qui accompagnent le texte d'Elitza Gueorguieva – à retrouver dans notre 3e numéro: une série absurde d'images officielles de Todor Jivkov, l'ancien chef du régime communiste «qui coupait des rubans pour rien», rassemblées par le photographe bulgare Nikola Mihov.
À l’origine de Kometa, une envie: comprendre le monde en allant voir là où il bouge. On ironise parfois sur ces Américains qui ne savent pas placer Paris ou Bruxelles sur une carte d’Europe, mais l’invasion russe de l'Ukraine a révélé notre méconnaissance d’une partie entière de notre continent.
Tous les trois mois dans une belle revue papier de 208 pages, chaque semaine dans ses newsletters et tous les jours sur son site, Kometa propose des grands récits littéraires, des photos d’auteurs et des débats d'idées pour saisir ce que nous n’avons pas vu se lever à l’Est. En révéler la richesse, les talents et l’incroyable complexité.
L'agenda
24 mai
La Gaîté Lyrique, Paris
A 19h, la rédaction de Kometa dévoile le 3e numéro au cours d'une soirée exceptionnelle à la Gaîté Lyrique rassemblant la poétesse Pinar Selek, la reporter Ksenia Bolchakova et Dominique Simmonot, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, en dialogue avec Haydée Sabéran et Pierre Benetti. Accès libre!
Elitza Gueorguieva signe un texte dans notre n°3. Sergueï Shikalov a réagi à l'attentat de Moscou sur notre site. Tous deux dialoguent à 16h30 (Conservatoire Pierre Barbizet) avec Pierre Benetti, rédacteur en chef adjoint, autour de leurs livres Odyssée des filles de l'Est et Espèces dangereuses. Venez aussi rencontrer la rédaction à la Grande librairie
Le grand entretien de notre 3e numéro est consacré à la militante et poétesse turque Pinar Selek. Elle évoque la fabrique de l'oubli en Turquie avec Valérie Manteau, qui l'a rencontrée.