Chaque numéro de Kometa a un mot pour fil rouge. Ce n’est pas un dossier, pas un carcan, c’est un thème qui court à travers nos récits en textes et en images. Aux lectrices et aux lecteurs de s’y promener, d’y piocher des idées, des histoires.
La vocation des cultures impérialistes est de prendre toute la place. Leur puissance nous aveugle. L’américaine, bien sûr. Mais aussi la russe, que nous croyions connaître. À tort. Pour son premier numéro, Kometa plonge au cœur de cet impérialisme qui inverse la réalité en prétendant mener une guerre de libération.
Trois mois avant l’invasion de l’Ukraine, Vladislav Sourkov, l’obscur penseur de Poutine qui a inspiré l’écrivain Giuliano Da Empoli pour son Mage du Kremlin, écrivait : «La Russie s’étendra. Non pas parce que c’est bien, ni parce que c’est mal, mais parce que c’est physique.»
En agressant son petit voisin, Vladimir Poutine applique la forme d’exercice du pouvoir la plus commune dans l’histoire. Nationalisme, colonialisme, totalitarisme, la Sainte Trinité nourrit des rêves d’expansion.
Nous allons dans le pays agresseur, la Russie, qui colonise les esprits et cherche à écraser toute lutte, toute émancipation. «Je vis l’agression de l’Ukraine comme un crime commis en mon nom», confie une photographe de Moscou qui préfère rester anonyme.
Nous partons en Ukraine, en Géorgie, en Moldavie, en Hongrie avec une lycéenne révoltée, au Bélarus assister aux pots de départs des futurs exilés, au Kirghizistan avec des alpinistes, et jusqu’en Afrique australe avec Achille Mbembe, penseur de la décolonisation.
«Pouchkine était utilisé pour effacer ma culture», nous déclare Botakoz Kassymbekova, une chercheuse kazakhe de l’université de Bâle. Sommes-nous capables de l’entendre, de comprendre?
Nous avons beau vouloir décentrer notre regard, nous parlons depuis un pays qui a été colonisateur, un pays aujourd’hui en paix. Conscients de notre aveuglement, nous tentons d’y voir plus clair.
L’équipe de Kometa