Suppression de l’accès aux réseaux sociaux, interdiction des derniers médias indépendants… depuis le début de l'invasion de l'Ukraine, les citoyens russes voient l’étau de la répression politique se resserrer à l'intérieur de leur pays. D'après l'association Memorial, elle-même interdite, plus de 800 procès sont en cours contre des opposants à la guerre.
Pourtant, il faut bien continuer à raconter la Russie au présent. Raison pour laquelle Kometa publie cette semaine deux séries qui contournent la censure de deux manières différentes.
Dans son livre Les services compétents (éditions P.O.L., 2020), Iegor Gran, membre du comité consultatif de Kometa, rendait hommage à son père, le dissident soviétique Andreï Siniavski. Cette semaine, en trois épisodes, il trouve un moyen original pour raconter la Russie d'aujourd'hui: infiltrer, depuis son ordinateur, le réseau social VKontakte, l'équivalent du Facebook russe. Dans le groupe «Prions pour nos guerriers», des milliers de mères et d'épouses prient pour la santé des soldats partis en Ukraine, pour leur retour à la maison... mais aussi pour la victoire de leur armée. «Prions pour nos guerriers», c'est aussi le titre de ce long récit qui montre autant la pénétration de la religion dans la société russe, que le rôle des réseaux sociaux dans la vie quotidienne de l'arrière.
Une autre manière de contourner la censure est d'exfiltrer des informations. Filipp Dzyadko, écrivain et journaliste russe en exil, a reçu une longue lettre d'Alexeï Gorinov, que Kometa publie en intégralité. Cet avocat, élu municipal de Moscou et militant des droits de l'homme, est le premier Russe condamné pour avoir qualifié de «guerre» ce que le régime de Poutine continue d'appeler «l'opération militaire spéciale». Condamné à sept ans de prison en juillet 2022, il nous écrit depuis la sinistre colonie pénitentiaire de la région de Vladimir, à 200 km à l'est de Moscou. Il donne son point de vue sur son histoire et sur ses conditions d'incarcération, mais aussi sur la répression politique, sur la guerre, ou encore sur l'histoire soviétique et ce qui a conduit la Russie à sa situation actuelle. Il livre ses souvenirs, ses regrets et ses espoirs, dans une lettre en quatre parties, publiée chaque jour à partir de demain.
Iegor Gran, Alexeï Gorinov: deux hommes qui héritent de l'histoire soviétique et nous rappellent qu'écrire sur la Russie reste possible.