Cette email est un email de kometa
Logo kometa de couleur noire

Bonjour, c’est Kometa.

Plus que 3 semaines avant notre nouveau numéro, «Fabriquer l'oubli»!

Et au programme de cette newsletter:

A l’Est du Nouveau: une newsletter avec des récits et des photos, chaque jeudi dans votre boîte mail.

Les précédentes éditions sont ici. Si vous aimez, n'hésitez pas à partager!


On vous a transféré cette newsletter? Recevez-la chaque jeudi: 


Géorgie: «Avec cette loi, nous perdons non seulement notre présent, mais aussi notre avenir»

Odzisi, frontière avec l'Ossétie du Sud, région géorgienne occupée par les Russes depuis leur invasion en août 2008 | © Daro Sulakauri

A 34 ans, Iva Pezuashvili, voix forte de la littérature géorgienne, est l'un des invités du festival Étonnants Voyageurs de Saint-Malo, dont Kometa est partenaire.

Son roman Le Bunker de Tbilissi (Bunk'eri) met en scène une famille sur une seule journée, et pas n'importe laquelle: un 9 avril, jour de l'indépendance du pays, émancipé de la domination soviétique en 1991.

Un souvenir qui revient à la société géorgienne ces jours-ci. Malgré une vaste mobilisation dans la rue depuis plusieurs semaines, le Parlement géorgien a voté, ce mardi, une loi contre «les agents étrangers»... sur le modèle de la loi russe. Désormais, seront mis à l'index les ONG et médias financés à plus de 20% par des investissements non-géorgiens. Alors que les manifestations contre cette loi continuent, l’écrivain a répondu aux questions de Kometa.

Kometa — Pourquoi avoir écrit un livre sur l’histoire politique récente de votre pays? 

Iva Pezuashvili — Je crois vraiment que chaque acte est un acte politique, surtout dans notre région, surtout en Géorgie. Je n'ai que 33 ans, mais j'ai déjà été témoin de trois guerres, d'un coup d'État militaire et d'une guerre civile dans ce pays, tous orchestrés par la Russie. La politique affecte notre vie quotidienne: en ce moment même, je réponds à vos questions entre deux manifestations. Nous protestons contre la «loi sur les agents étrangers» initiée par le gouvernement, une copie du projet de loi que la Russie de Poutine a mise en œuvre en 2012. Avec cette loi, nous perdons non seulement notre présent, en devenant un pays autoritaire, mais aussi notre avenir, en perdant la possibilité de faire partie de l'Union européenne. Donc, pour répondre à votre question, si le présent d'un pays a une odeur de pourri, à cause de la trahison de ses hommes politiques, la seule réponse que je puisse faire est d'écrire à ce sujet. Le Bunker de Tbilissi était ma tentative de mieux comprendre d'où venait cette terrible odeur... et où elle pouvait tous nous mener.

Le roman suit une famille tiraillée entre différentes influences politiques passées et présentes (URSS, Russie, Europe occidentale…). Comment ces tiraillements se manifestent-ils aujourd’hui dans l’intimité des Géorgiens, dans le contexte des manifestations?

Il existe toujours une guerre entre les générations, mais aujourd'hui, il n'y a pas de polarisation ou de fossé entre les pères et les fils, les mères et les filles, il n'y a que deux camps : soit vous vendez votre pays à la Russie, soit vous essayez de le sauver. Des dizaines de milliers de personnes manifestent dans les rues avec pour seul souhait de ne jamais retourner dans l'orbite russe. Je n'ai jamais vu le peuple géorgien aussi uni. Et même moi, qui suis totalement pessimiste, je crois encore que nous pouvons gagner ce combat.

Le Bunker de Tbilisi a eu un large écho au niveau européen et a remporté le Prix de littérature de l'Union européenne en 2022. Quel message voudriez-vous aujourd’hui transmettre aux lecteurs européens? 

Mon seul objectif est de les intéresser à la culture de mon pays. Il est assez difficile de briser la barrière qui se dresse autour de tous les soi-disant «petits pays linguistiques». Si mon livre peut attirer l'attention sur la littérature géorgienne, ce sera bénéfique pour nos écrivains comme pour les lecteurs européens, car ils découvriront de nombreux joyaux cachés du Caucase.

Iva Pezuashvili, Le Bunker de Tbilissi. Traduit par Marika MegrelishvilI. Editions Emanuelle Collas, 2023

Venez écouter Iva Pezuashvili au Festival Étonnants Voyageurs de Saint-Malo, dans une rencontre sur le thème «Oublier la Russie» avec les écrivains ukrainiens Artem Chapeye et Natalka Vorojbyt, animée par Serge Michel, directeur de la publication de Kometa.


Numéro 3: bien reçu

«Fabriquer l'oubli», 3e numéro Kometa | © Kometa

A peine sorti de l'imprimeur, le voici déjà à la rédaction.


La photographie de la semaine

En Géorgie, le hashtag #არარუსულკანონს (#nonàlaloirusse) se propage depuis plusieurs semaines sur les réseaux sociaux. Dans les rues, le photographe Guram Muradov a suivi les manifestations.

Tbilissi, 1er mai 2024 © Guram Muradov

«Le 1er mai, le Parlement a adopté en deuxième lecture la loi sur les agents étrangers, connue sous le nom de "loi russe". Au même moment, de grands groupes de manifestants se rassemblaient à proximité du Parlement. A 17h, des habitants de différentes régions de Géorgie continuaient de manifester, refusant de s'arrêter même à la tombée de la nuit.

Des dizaines de milliers de personnes se sont mobilisés sur l'avenue Rustaveli (au centre de la capitale), tandis que la tension était à son comble dans la rue Chitadze, près du Parlement. La police a utilisé des canons à eau, des gaz lacrymogènes, du gaz poivré - parfois mélangé à de l'eau - et des balles en caoutchouc tout au long de la nuit pour disperser les manifestants.

Malgré les actions de la police, les manifestants sont restés forts, portant des masques à gaz et des lunettes de protection, avec dans les poches du sérum physiologique pour lutter contre le gaz lacrymogène. Leur détermination et leur unité ont témoigné d'une remarquable résilience civique dans les moments difficiles.»

Guram Muradov


La recommandation Kometa

Géraldine Moroni, ambassadrice Kometa et animatrice du blog littéraire Temps de lecture, a lu un recueil de l'écrivaine ukrainienne Natalka Vorojbyt (traduit par Iryna Dmytrychyn, éditions L'Espace d'un instant, 2024)

C'est un livre composé de deux pièces de théâtre, Sacha, sors les poubelles et Le dépôt de grains. Leur écriture sur fond de guerre en Ukraine date respectivement de 2015 et 2009: deux temporalités distinctes et deux perspectives différentes sur les conflits que le pays a traversés, mais qui finalement se rejoignent dans leur visée d'appréhender l'Ukraine et la guerre sous l'aspect de la tragi-comédie et surtout des contradictions inhérentes à chaque époque. 

Dans Sacha, sors les poubelles, publié à la suite de la Révolution de Maïdan, le fantôme d'un ancien colonel de l'armée ukrainienne apparaît à sa femme et à sa fille. Il souhaite retourner se battre dans une nouvelle guerre. Le dépôt de grain évoque plutôt la grande famine de 1933, l'Holodomor, provoquée par le voisin soviétique.

Tour à tour sur le ton du burlesque, de la dérision, de la satire, les deux textes soulignent l’absurdité tragique de l’attitude soviétique et russe en Ukraine. Natalka Vorojbyt dénonce son vide idéologique, mais entretient aussi l'espoir de surmonter un traumatisme national.

Retrouvez Natalka Vorojbyt aux côtés d'Iva Pezuashvili et de l'écrivain ukrainien Artem Chapeye à la rencontre Kometa du festival Etonnants Voyageurs


A lire ce week-end

A propos de Kometa

À l’origine de Kometa, une envie: comprendre le monde en allant voir là où il bouge. On ironise parfois sur ces Américains qui ne savent pas placer Paris ou Bruxelles sur une carte d’Europe, mais l’invasion russe de l'Ukraine a révélé notre méconnaissance d’une partie entière de notre continent.

Tous les trois mois dans une belle revue papier de 208 pages, chaque semaine dans ses newsletters et tous les jours sur son site, Kometa propose des grands récits littéraires, des photos d’auteurs et des débats d'idées pour saisir ce que nous n’avons pas vu se lever à l’Est. En révéler la richesse, les talents et l’incroyable complexité.

L'agenda

20 mai

Festival Etonnants Voyageurs, Saint-Malo

Kometa est partenaire du festival Etonnants Voyageurs. A La Grande Passerelle (10h), Serge Michel anime une rencontre autour de «Oublier la Russie» avec les écrivains Iva Pezuashvili (Géorgie), Artem Chapeye et Natalka Vorojby (Ukraine). Puis en salle Maupertuis, un débat «Traverser les frontières, accueillir les récits» avec le poète Falmarès, l'écrivaine Marie Cosnay et la journaliste Caroline Hinault. Découvrez aussi Riverboom, le film qui raconte les aventures de deux jeunes reporters devenus membres fondateurs de Kometa...


22 mai

Café Format Poche, Lille

A 18h, Haydée Sabéran, rédactrice en chef adjointe, présente la revue au café Format Poche (bibliothèque de Sciences-Po Lille). Entrée libre


24 mai

La Gaîté Lyrique, Paris

A 19h, la rédaction de Kometa dévoile le 3e numéro au cours d'une soirée exceptionnelle à la Gaîté Lyrique rassemblant la poétesse Pinar Selek, la reporter Ksenia Bolchakova et Dominique Simmonot, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, en dialogue avec Haydée Sabéran et Pierre Benetti. Accès libre!


26 mai

Festival Oh les beaux jours!, Marseille

Elitza Gueorguieva signe un texte dans notre n°3. Sergueï Shikalov a réagi à l'attentat de Moscou sur notre site. Tous deux dialoguent à 16h30 (Conservatoire Pierre Barbizet) avec Pierre Benetti, rédacteur en chef adjoint, autour de leurs livres Odyssée des filles de l'Est et Espèces dangereuses. Venez aussi rencontrer la rédaction à la Grande librairie


31 mai

Librairie Maupetit, Marseille

Le grand entretien de notre 3e numéro est consacré à la militante et poétesse turque Pinar Selek. Elle évoque la fabrique de l'oubli en Turquie avec Valérie Manteau, qui l'a rencontrée.

Recommandez Kometa
à vos amis

Partager sur les réseaux sociaux

Suivez chaque semaine
le développement de Kometa

Logo kometa de couleur noire

8 rue Saint Marc, 75002 Paris

icon facebook icon linkedin icon twitter icon instagram

Vous souhaitez nous contacter, contact@kometarevue.com.

©Copyright 2023 Kometa

Se désinscrire