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Bonjour, c’est Kometa. Cette semaine, nous abordons un sujet qui touche le cœur de notre revue: dans nos pages, la cohabitation est-elle possible entre Ukrainiens et Russes?

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Votre absence prend la lumière

Avant la guerre, Andrey, informaticien ukrainien, vivait en Russie avec Dasha, originaire de Moscou. Ils ont déménagé en Georgie après l’invasion. | © Oksana Yushko

À Kometa, nous cherchons des histoires. Des récits de l’intérieur, par celles et ceux qui les vivent, écrivains, journalistes, photographes de l’Est et d’ailleurs. Des histoires pour comprendre, découvrir ces mondes si proches que nous connaissons si mal, nous qui savions placer New York sur une carte du monde mais ignorions où se trouve Odessa.

Des Ukrainiens nous ont parlé de l’épouvante et de ses à-côtés, du quotidien sur le front, de l’Ukraine d’aujourd’hui. Des Russes, horrifiés par la guerre que le Kremlin mène en leur nom, — «ce crime» — nous ont raconté les manifs, la prison, la désobéissance civile.

Nous parlions aux unes et aux autres, élaborant le sommaire, recevant les premiers articles, quand un premier mail est arrivé, d’une journaliste ukrainienne.  

Aurez-vous des contributeurs russes dans votre revue?

Oui. Tous hostiles à Poutine et à l’agression russe contre l’Ukraine.

Je suis désolée, je ne pourrai pas participer à un projet dans lequel des auteurs russes sont publiés. Cela me paraît impossible dans le contexte actuel. Par respect pour toutes les victimes ukrainiennes tuées par les forces russes. 

Un deuxième message nous parvient, fin mars, d’un écrivain ukrainien. «Je pense qu'il est inapproprié de publier des écrivains/intellectuels/artistes ukrainiens et russes dans un même magazine, une même anthologie, un même festival ou une même exposition.» Un troisième dit la même chose, au téléphone, mardi. Fin de non-recevoir, en toute gentillesse, mais question de principe. 

On nous avait prévenus. Juxtaposer Ukrainiens et Russes est reçu comme une violence par de nombreux Ukrainiens. Invités à une table ronde au festival World Voices de l’association d’écrivains PEN America à New York du 10 au 13 mai, trois écrivains ukrainiens ont refusé d’y participer quand ils ont découvert que des écrivains russes participeraient à une autre table ronde. Celle des écrivains russes a été annulée.

Quelques jours plus tard, le PEN Ukraine écrivait: «En tant que dirigeants du PEN ukrainien, nous pensons qu'il est problématique, voire immoral, de promouvoir une quelconque illusion de dialogue entre les auteurs ukrainiens et russes lors d'un même événement, tant que les attaques militaires russes continuent de coûter la vie à des civils ukrainiens. En même temps, nous sommes une organisation démocratique et nous reconnaissons que chacun de nos membres est libre de déterminer sa propre position sur cette question.»

Comment faire?

Il y a d’autres positions. L’écrivain ukrainien Andrei Kourkov, qui a dirigé le PEN Ukraine jusqu’en novembre 2022, le raconte dans Journal d’une invasion (Editions Noir sur Blanc, 2023): «30 mars 2022. À Oslo, j’ai retrouvé Mikhaïl Chichkine, un écrivain russe qui vit en Suisse depuis 1995. Nous étions invités tous les deux à la même table ronde sur l’Ukraine. Les organisateurs avaient pris la précaution de me demander si j’étais d’accord pour ce “duo”. J’avais répondu que je n’y voyais pas d’inconvénient. Je connais Mikhaïl depuis des années. Je lui ai déjà rendu visite chez lui. C’est depuis longtemps un détracteur de Poutine, et il refuse toutes sortes de récompenses décernées par les autorités russes.» 

Comment faire? Dans certaines revues scientifiques françaises, les chercheurs ont trouvé la solution: un numéro avec les Russes, un numéro avec les Ukrainiens. Les colloques s’organisent de manière séparée. Ce qui n’empêche pas les liens d’amitié, en privé.

Mais nous? Comment imaginer un numéro sans Ukrainiens? Comment se passer des voix russes? 

Ici, en France, nous ne mourons pas sous les bombes russes, nos maisons ne sont pas frappées par les drones de fabrication iranienne. Nos villages ne sont pas inondés par la destruction d'un barrage, nos familles ne sont pas déplacées. Alors nous respectons profondément ce point de vue et n’avons pas à le juger. Nous ne prétendons pas dire comment agir ou penser. Tenter de comprendre cette guerre, c’est aller chercher ce que vivent les Ukrainiens, mais aussi chercher à savoir ce qui se passe dans la tête des Russes, dans leurs vies. Raconter des histoires de l’intérieur, en protégeant ceux qui témoignent.

Nous reconnaissons qu’il y a un agresseur, la Russie.  Chaque fois que vous vous éclipsez, chères autrices, chers auteurs ukrainiens, votre absence prend toute la lumière.


Des familles entre deux camps

Pour Andrey, informaticien originaire de Kyiv que vous avez découvert en photo un peu plus haut, difficile de ne pas parler aux Russes. Sa compagne, Dacha, est née à Moscou. Ils y ont vécu, ainsi que leurs deux premiers enfants de nationalité russe, jusqu’à l’invasion de l’Ukraine. Depuis, ils se sont installés à Tbilissi. Leur troisième enfant, né en Georgie, a la nationalité ukrainienne.

Avec son projet «Familia» dont est issue l’image de cette newsletter, la photographe Oksana Yushko raconte, depuis 2014, à la fois son histoire (elle est née d’un père ukrainien et d’une mère russe) et celle de nombreux couples mixtes. Derrière ces portraits, dont certains ont fui la guerre, elle veut rappeler qu’alors que la moitié des Ukrainiens ont de la famille ou des amis proches en Russie, «pour parvenir à la paix, il est essentiel de se concentrer sur ce qui nous unit plutôt que de nous diviser».

A propos de Kometa

À l’origine de Kometa, une envie: comprendre le monde en allant voir là où il bouge. On ironise parfois sur ces Américains qui ne savent pas placer Paris ou Bruxelles sur une carte d’Europe, mais l’invasion russe de l'Ukraine a révélé notre méconnaissance d’une partie entière de notre continent.

Tous les trois mois dans une belle revue papier de 208 pages, chaque semaine dans ses newsletters et tous les jours sur son site, Kometa propose des grands récits littéraires, des photos d’auteurs et des débats d'idées pour saisir ce que nous n’avons pas vu se lever à l’Est. En révéler la richesse, les talents et l’incroyable complexité.

L'agenda

La semaine prochaine…

… nous vous parlerons de l’équipe derrière Kometa.


FIN DE L'ÉTÉ

Préventes

Pour le moment, Kometa existe dans vos boîtes mails et sur les réseaux sociaux. Dès le mois d'août, vous aurez la possibilité de vous abonner et de commander les premiers numéros de la revue. D'ici là, suivez l'actualité du projet grâce à cette newsletter. Si quelqu'un vous l'a fait suivre, vous pouvez vous inscrire ici.


AUTOMNE

Sortie du premier numéro

Le premier numéro de Kometa est prévu pour la rentrée, tout comme le site complet. D'ici là, on vous promet quelques bonnes feuilles et bonnes histoires.

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