Je suis écrivain, je suis né à Bruxelles en 1975. Après des études de lettres et d’économie, j’ai travaillé comme auditeur financier, au développement de programmes audiovisuels puis de longs-métrages, et j’ai fini par me consacrer exclusivement à l’écriture.
J'ai écrit des romans – notamment Circuit (Seuil, 2007), Chut (Seuil, 2015), Databiographie (Flammarion, 2019) et Que ferais-je à ma place ? (Flammarion, 2023) –, des livres pour la jeunesse (la série Les Aventures de moi-même, illustré par Ronan Badel, chez Flammarion ; Le Nouvel Arrivant, illustré par Delphine Perret, éd. Marcel et Joachim, 2023) ainsi que des scénarios (en 2023, la série Sous contrôle réalisée par Erwan Le Duc, diffusée sur Arte).
En 2012, j’ai publié Citoyen Park (Seuil), dans lequel je me mets dans la peau du dictateur nord-coréen pour révéler l’envers des clichés de propagande. Je me suis inspiré de ce livre pour mon texte paru dans Kometa, «Kim qui rit», dont je vous parle dans cette lettre d'info.
Dans cette newsletter, Charly Delwart nous parle de la lignée des dictateurs nord-coréens. Les Kim aiment s’afficher hilares, mais ils ont confisqué l’humour. Pour le dixième anniversaire de la mort de son père, Kim Jong-un a interdit à son peuple de rire pendant onze jours. L’auteur dénonce la violence d’une dictature et le pouvoir de la propagande.
J’ai interdit – enfin moi ou mon père ou mon grand-père, c’est la même chose – une série de choses de façon totalement autoritaire et arbitraire sur le territoire nord-coréen: que les hommes aient les cheveux longs – ils ont le choix entre quinze coupes; que les citoyens regardent des films américains; que l’on sorte du pays; que l’on porte des vestes en cuir; que l’on rie les jours de deuil national.
Tout ça, c’est pour les autres, pas pour moi. Parce que j’adore les films américains. Parce que je me fais la coupe de cheveux que je veux – dégradé à blanc et cheveux gominés en arrière, comme mon grand-père. Parce que je suis le seul à pouvoir porter des vestes en cuir. Et parce que chaque jour donne envie d’exploser de joie. Je n’en reviens pas que tout ça continue. On n’est plus beaucoup de dictateurs dans le monde, au sens traditionnel du terme – il y a encore heureusement l’Azerbaïdjan, le Bélarus et quelques autres pour résister avec nous. (...)
Actors Studio
Il faut le savoir, dictateur, c’est du travail: étouffer des révoltes, faire en sorte que les gens ne puissent pas contester, qu’ils suivent les règles, maquiller les famines, cacher les camps de redressement. L’important surtout, c’est de faire rêver les citoyens, qu’ils nous aiment, nous voient comme un frère, un père. Pour ça, il y a tous les moyens de la propagande, mais c’est aussi un travail d’acteur. (...)
Je suis plus Actors Studio pour ma part. J’ai décidé que je serais la réincarnation de mon grand-père – d’où la coupe de cheveux, l’allure générale. J’ai pris plusieurs kilos au fil des années pour le rôle, pour avoir ce côté rond, généreux, bon vivant de « gentil père » – c’est d’ailleurs le titre de mon dernier tube de K-pop sur TikTok. Et je ris tout le temps, comme lui. Parce que ça rend heureux mes citoyens. Et parce que je le suis aussi. Parce que tout ça, un plateau de cinéma à taille réelle, avec des moyens infinis, des millions de figurants et moi dans le rôle principal, c’est rare, c’est du bonheur. Et j’ai envie de le partager avec vous tous. Cadeau !
Lisez l'ensemble de l’article «Kim qui rit» de Charly Delwart dans le 5e numéro de Kometa, «Rire pour résister».
L’info que j’ai retenue pour vous
Simple Sabotage Field Manual, un manuel de sabotage rédigé par l'armée américaine pour entraver la machine nazie, déclassifié par les États-Unis en 2008, vient d'être téléchargé près de 200 000 fois en quelques jours. Il s'agit de tâches faciles à exécuter pour entraver l'efficacité de l'administration nazie (fausses dénonciations pour faire perdre du temps, jouer à être imbécile, pleurer hystériquement dès qu'on s'adresse à un fonctionnaire…). Peut-être dans le but d'appliquer ces techniques pour combattre la machine Trump de l'intérieur.
La date qui m'a marquée
La deuxième investiture de Donald Trump. On a basculé soudain dans une dystopie où l'on peut renommer le golfe du Mexique (en «golfe de l'Amérique»), envisager une Riviera du Moyen-Orient à la place de Gaza et l’annexion du Groenland, supprimer toutes les aides internationales si elles ne favorisent pas des États-Unis plus sûrs ou plus riches, revoir le droit du sol et avoir pour nouveau motto, à l'heure où la planète brûle: Drill, baby, drill («Fore, bébé, fore»). Tout ça formulé avec un vocabulaire compréhensible par un enfant de cinq ans.
Le livre que je recommande
Mon année de repos et de détente d'Ottessa Moshfegh. Une jeune femme décide de s'extraire du monde en absorbant des somnifères et des anxiolytiques pour errer de façon somnambule entre chez elle, des sites d'achat en ligne et l'épicerie au coin de sa rue. Une forme de chrysalide.
Une raison d’espérer
L’Europe.
Une phrase qui m’inspire
«The best way out is always through.»
Une phrase tirée du poème «A Servant to Servants» de Robert Frost (1874-1963), qu'on pourrait traduire littéralement par «Le meilleur moyen de s'en sortir est toujours de passer à travers.»
Ambassadeur à Varsovie de 2012 à 2016, président de l’Institut français de 2017 à 2020, Pierre Buhler, déjà auteur de La Puissance au XXIe siècle (CNRS édition, 2019), vient de sortir aux éditions Tallandier Pologne, histoire d'une ambition. Comprendre le moment polonais. Maltraitée par l’histoire, la Pologne fut partagée trois fois entre la Russie, la Prusse et l’Autriche. Aujourd’hui en première ligne d’une Europe qui bascule vers l’Est, le pays fascine par sa nouvelle dynamique, sans oublier son rôle stratégique face à la Russie. Dans ce livre ambitieux à plus d'un titre, Pierre Buhler analyse les enjeux de ce «moment polonais».
A propos de Kometa
Née du choc du retour de la guerre sur le continent européen, Kometa raconte le monde partout où il bascule, de l’intérieur, à travers les regards de celles et ceux qui le vivent. La revue fête sa première année et grandit grâce à vous, en passant de 4 à 6 numéros par an en 2025.
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L'agenda
28 février
Rencontre avec l'écrivaine ukrainienne Yuliia Iliukha
Rencontre avec Yuliia Iliukha à l'Espace des femmes (33-35, rue Jacob 75006 Paris) à l'occasion de la sortie de son livre Mes femmesaux éditions des Femmes – Antoinette Fouque. Julia de Gasquet, maîtresse de conférences à l'Université Rabelais de Tours et chargée de cours à l'Institut d'études théâtrales de Paris III, lira quelques extraits du texte. Une rencontre animée par Haydée Sabéran, rédactrice en chef adjointe de Kometa.
Dans son 5e numéro, « Rire pour résister », la revue Kometa publie une série d’images du portraitiste sénégalais Omar Victor Diop, qui s’incruste dans des photos de familles de la classe moyenne blanche et privilégiée en pleine Amérique ségrégationniste d’après-guerre. « Le premier écrivain noir depuis 1921 à remporter le prix Goncourt. » Ainsi commence la fiche Wikipédia de Mohamed Mbougar Sarr, primé en 2021 pour La Plus Secrète Mémoire des hommes (éd. Philippe Rey). Né au Sénégal, comme Omar Victor Diop, qu’il admire, l’écrivain raconte en miroir comment, en devenant un « Miss France littéraire » comme il le dit avec humour, il s’est lui aussi incrusté dans un paysage littéraire essentiellement blanc.