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Bonjour, c’est Florent Dabadie

Journaliste et écrivain, je suis installé au Japon depuis trente ans. J’ai commencé à Tokyo comme éditeur du magazine ciné Première Japon, puis traducteur de l’équipe nationale japonaise de football pendant quatre ans (JO de Sydney, Coupe du monde 2002) avant de travailler pour la télévision nationale Fuji. Pendant quinze ans, j’y ai animé en direct une émission hebdomadaire de sport et culture. Depuis dix ans j’ai ma propre boîte de production pour les médias et l’événementiel afin d’être un messager entre les Japonais et le reste du monde. Mon site : http://florent-dabadie.com


Mon Japon

Vivre au Japon, vu du ciel ou de France, c’est ultracool. Moi je vis ça comme les films Truman Show, Dark City ou Matrix, les visiteurs ne voient pas l’envers du décor. C’est un pays onirique, tant il semble flotter dans sa bulle au-dessus du monde réel, mais il est bien rattaché à une salle des machines où le gouvernement (l’administration) a établi des règles draconiennes de société. Trois cercles concentriques entourent l’individu : la famille, la communauté, le pays. C’est un peu le « Big Brother » de 1984 : il y a toujours un œil sur nous ; notre liberté s’arrête bien avant là où celle de l’autre commence.

Alors où est-ce qu’un Japonais trouve-t-il sa liberté ? Dans des petits espaces à part :  les bars sombres de la nuit, des groupes de loisirs de la communauté pour ce qui est de s’échapper à l’extérieur, et tout ce qui permet de s’échapper à l’intérieur : ce que nous appelons nous les hobbys et qui sont pour eux bien plus  (le passionné de moto fait dormir sa Honda, scintillante des lavages hebdomadaires, dans son bureau ou sa bibliothèque, comme si c’était son animal de compagnie).

Moi je lis, j’écris, je me balade, j’ai quitté le monde de l’entreprise en 2014 pour devenir profession libérale, c’est un vertige total dans ce pays, une précarité assumée (les freelance et les startups sont en minorité), et même si je ne jouis plus de l’immunité diplomatique de l’étranger en voyage car je parle, écris et lis le japonais, je reste un déraciné, se nourrissant de cette mélancolie.


Mon article dans Kometa (making-of)

Pour le 7e numéro de Kometa, Florent Dabadie, qui est aussi romancier – auteur du récent Hiromi (Stock) et de Comment je suis devenu japonais (Les Arènes, 2023) – s’est prêté au jeu de l’inversion des clichés à travers la rubrique « Le Japon n’est pas » : un point de vue « en négatif » qui, très positivement, fait ressortir des caractéristiques du Japon là où on ne les attend pas forcément (et vice versa).

J’ai toujours été sceptique sur les clichés, j’ai toujours voulu écrire le futur même si je n’ai pas le talent des auteurs de science-fiction ; mon article n’est pas seulement voué à briser les préjugés, mais aussi à éveiller nos sens. Les Français sont en avance sur le reste du monde quand il s’agit de culture japonaise : ils la connaissent déjà de loin, à travers le cinéma, la littérature, les magazines. À travers notre histoire de grand peuple de la diplomatie mondiale et du Levant, c’est notre curiosité intellectuelle, notre raffinement, notre esprit critique qui a toujours plu aux Japonais ; c’est pour cela qu’ils nous aiment (un peu plus que les Allemands, les Anglais ou les autres peuples latins). Il faut continuer à les surprendre, à montrer que nous connaissons le Japon contemporain, que nous sommes prêts à les écouter raconter leur culture millénaire. Comme j’en avais trouvé le slogan lors de la grande manifestation culturelle « Japonisme » du gouvernement nippon à Paris (en 2018) : « Nos âmes sont en résonance ».


L'événement qui m’a marqué

La répression gouvernementale a fait des milliers de (jeunes) blessés à Hong Kong juste avant le Covid, en 2019. Plus répressive que la « révolution des parapluies » de 2014, deuxième raid d’une violence inouïe commandité par Pékin avec pour but l’éradication finale des activistes du premier mouvement. J’ai la nostalgie du Hong Kong des années 1990 que j’ai tant aimé. Ce n’est pas la nostalgie de l’ère coloniale que je n’ai pas connue, mais de la créativité, de l’énergie que dégageait la ville. Pour moi Blade Runner, c’était là. 

Sur ces protestations, un documentaire : Rather Be Ashes Than Dust(2023) d’Alan Lau, projeté au festival du film de Busan il y a dix-huit mois, n’a pas eu l’impact international espéré à part quelques bonnes critiques en Angleterre, car Hong Kong était une des perles de l’Empire britannique.  Dans le documentaire, l’omniprésence de la cheffe de l’exécutif de la ville, la glaçante Carrie Lam, aux bottes de Xi Jinping, est un personnage réel mais dont la noirceur cinématographique fait penser au personnage de Dedra Meero dans la série Star Wars: « Andor », actuellement à l’affiche.


L’info que j’ai retenue

Image de propagande de Kim Jong-un, issue de l'article « Kim qui rit » paru dans le « Kometa » n°5, « Rire pour résister ».

La Corée du Nord se rapproche toujours plus de la Russie. Loin de la théorie d’une Chine qui manierait cet épouvantail pour faire peur au Japon et aux Américains, le « royaume ermite » n’a jamais été sous la tutelle de Pékin et de son capitalisme qui, tel un cheval de Troie, pourrait faire exploser le régime de Pyongyang. Kim Jong-un a amorcé un rapprochement avec Moscou, et Poutine n’a aucune intention autre que de lui soutirer des armes et de la chair à canon, en échange de ressources naturelles. La Corée du Nord va vers une nouvelle crise politique et humanitaire, que le Japon et la Corée du Sud craignent car il y aura des dommages régionaux, collatéraux.


Une raison d’espérer

Le progrès n’est pas linéaire, il n’est pas impitoyable, il n’y a pas tout le temps à se soucier d’être dans le bon wagon. Beaucoup de Japonais, d’entreprises japonaises ont fait le choix de rester des artisans, de miser sur l’analogique et non le digital. Mazda, c’est le constructeur de voitures nippon qui a refusé l’électrique. Audio-Technica continue à miser sur le son platine des 33 et 45 tours. Les éditeurs voient les lecteurs augmenter car les Japonais lisent beaucoup : quotidiens, magazines, livres, mangas, revues spécialisées, détaillées, encyclopédiques, même sur des sujets de niche. L’Expo universelle d’Osaka, qui a commencé tambour battant, fascine les petits et les grands. Elle ne parle pas de la conquête de la Lune, mais d’un monde terrestre qu’il nous reste à découvrir. L’espoir, c’est que nous avons encore le droit de prendre notre temps.


Le livre que je recommande 

Le roman La Vie volée de Jun Do, d’Adam Johnson. Prix Pulitzer 2013, passé relativement inaperçu en France alors qu’il décrit avec beaucoup de talent la dernière grande dictature stalinienne contemporaine qu’est la Corée du Nord. Un peu comme La Fête au Bouc, de Vargas-Llosa, décrivait avec effroi celle de Trujillo à Saint-Domingue. La première partie du livre se concentre sur l’enlèvement des jeunes couples et adolescent(e)s japonais à la fin des années 1970, une histoire vraie qui fait toujours trembler le Japon de nos jours.


Un film

Jeunesse (retour au pays), le troisième volet de la trilogie de Wang Bing qui sort en France début juillet. C’est moins glamour que Wong Kar Waï et moins drôle que Ang Lee, ce n’est pas de l’histoire avec un grand H comme chez Zhang Yimou, c’est notre histoire, celle d’un pays-continent qui contrôle déjà le monde de ses petites mains. Avec ses inconnus dont on découvre moins les souffrances quotidiennes que dans le deuxième volet, mais les dilemmes sentimentaux et existentiels, dignes d’un cinéma chinois Nouvelle Vague. Le paysage des villages de montagne de Yunnan est époustouflant.


Une phrase qui m'inspire

« Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage (…) Et puis est retourné, plein d’usage et raison » 

Joachim Du Bellay, Les Regrets (1558)

Dans une vie d’exil il y a toujours l’espoir du retour, pas forcément par nostalgie, mais parce que comme l’enseigne la philosophie du zen, il y a la phase du dénuement (pour moi géographique à travers l’éloignement), puis l’apprentissage, et le cercle ne se complète que par un retour à la source où l’on fait profiter les autres de son expérience. Il est peut-être temps, comme la Corée du Sud l’a fait avec sa diaspora, que l’Europe fasse revenir tous ses talents partis aux quatre coins du monde. Il n’y a que par cette union sacrée qu’elle pourra lutter avec la croissance folle de l’Asie.


Un lieu à découvrir au Japon

La bibliothèque Haruki Murakami au sein de l’université de Waseda. Outre mon admiration pour l’auteur et son dernier livre La Cité aux murs incertains, j’adore le quartier de Waseda, me promener dans sa prestigieuse université ou dans les jardins de Chinzanso, écouter de la musique ou lire un livre dans la petite bibliothèque qui lui a été dédié de son vivant. Et le café, au rez-de-jardin, sert un très bon tiramisu.


Un lieu japonais à découvrir en France

Shinya Pain. 41, rue des Trois-frères, à Paris XVIIIe. Inagaki Shinya (de son prénom), né au pied du mont Fuji, émigré en France en l’an 2000 et vagabond des champs de blé, vendeur sur les marchés de l’Hexagone à bord de sa Peugeot 305 ,jusqu’à sa rencontre avec Jacques Antonin, boulanger de légende dans l’Aveyron.  Toute une vie jusqu’à l’ouverture il y a cinq ans de sa boulangerie au pied de la butte Montmartre. Il y travaille les anciennes graines : grain de Noé, blé khorasan, petit épeautre. Il n’ouvre que du jeudi au dimanche, de 16h30 à 19h30. Un Japonais qui fait le meilleur pain de Paris ? C’est aussi ça le futur du pays du Soleil-Levant.


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Samedi 31 mai à 21 heures

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Après deux représentations à guichets fermés à Paris, c'est dans le cadre du festival Oh Les Beaux Jours ! que Kometa organise son troisième Comedy Club dans la cité phocéenne. Marseillais ou non, venez nombreux !

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