Le roman La Bossue, de Saô Ichikawa, qui va sortir début septembre en français. 90 pages (Éd. Globe), ça se lit en une heure et c’est une bombe : l’héroïne vit avec un handicap sévère qui l’empêche de marcher et de respirer. Née dans une famille aisée, ses parents lui ont laissé une résidence dans un foyer de vie pour grands handicapés dont elle ne sort pas. Elle suit des cours par Internet dans une université réputée, elle est rédactrice de publi-reportages sur les services sexuels des cabarets à la mode, elle écrit à la chaîne des teen-love novels interdits aux moins de 18 ans sur la Toile. Son rapport à la lecture et à l’écriture est au cœur du roman : « Chaque livre que je lis, ma colonne vertébrale se plie un peu plus, mes poumons s’affaissent, ma gorge se perfore, ma tête se prend le montant de la porte, mon corps s’effondre pour vivre. »
Un jour, elle a une idée « pour vivre comme une humaine ». Elle ne dit pas « pour s’épanouir en tant que femme », elle dit : « pour vivre comme une humaine ». « Chaque fois que je vois les commentateurs ou les intellos culturés dire que le monde est devenu irrespirable, j’ai envie de répondre : “Un monde irrespirable, vous ne savez pas ce que c’est. Il était à combien, votre oxymètre, il y a 30 ans ?” » L’héroïne méchante.
L’autrice, Saô Ichikawa, possède de nombreux traits communs avec son personnage, conformément aux principes de la littérature dite de « l’auteur partie prenante ». En 2023, lors de la conférence de presse de réception du Prix Akutagawa, elle a mis le rouge au front de toute la profession en remerciant les éditeurs qui lui avaient refusé une quinzaine de manuscrits : « C’est grâce à vous si je suis là aujourd’hui. Puisque mes livres gentils n’intéressent personne, j’ai décidé d’écrire un livre pas gentil. »
L’autrice qui fait du bien là où ça fait mal. Vous allez adorer.