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Bonjour, c’est Patrick Honnoré.

Je suis traducteur du japonais. Je traduis de la littérature avec un grand L et de Littérature avec un petit l. Si vous avez des enfants en maternelle ou qui l’ont été il n’y a pas trop longtemps, ils ont peut-être lu un livre qui s’appelle Le tout petit roi de Taro Miura. En tout cas, c’est notre plus grand succès à ce jour, mon épouse YM et moi. 


Ma contribution au Kometa Japon

Elle a consisté à demander à deux écrivaines et un écrivain japonais de ma connaissance de bien vouloir répondre au questionnaire de la rubrique « Kometa books » : Kazuki Sakuraba, Hideo Furukawa et Hitomi Kanehara. Puis à traduire leurs réponses et à ajouter quelques lignes de présentation pour chacun, avec les titres de leurs livres disponibles en français.

Les délais étaient très courts, et j’ai eu beaucoup de chance qu’ils aient tous les trois répondu le lendemain ou le jour suivant. J’ai aussi traduit les réponses de Jean-Paul Nishi, un mangaka, quatrième et dernier auteur sollicité pour la rubrique, même si ce n’est pas moi qui ai apporté ses réponses (je suppose que c’est son épouse, Karyn Nishimura, qui a elle-même signé dans ce numéro de Kometa un texte sur la tragédie de Fukushima).


Mon métier de traducteur

Depuis une vingtaine d’années, la traduction du japonais a fait de très gros progrès. Alors qu’on était à l’époque de Roland Barthes devant la littérature japonaise comme une poule devant un couteau en se répétant en boucle « c’est japonais, donc ça doit être génial », on traduit maintenant les auteurs japonais jusqu’à faire vivre au lecteur francophone une véritable « expérience de lecture ».

La colère de Hitomi Kanehara, vous découvrez que c’est la vôtre, le rythme de Hideo Furukawa vous donne envie de vous lever. C’est ce que j’appelle « traduire à la deuxième personne ». Éviter le ton « Les Japonais, virgule, ils… ». Et même s’il reste encore des journalistes ou des critiques francophones qui parlent comme ça, comme traducteur je pousse mon palet pour réduire leur confort rhétorique. Le succès de la culture pop japonaise, et surtout la facilité des voyages au Japon, aident beaucoup.


Le livre japonais qui m’a marqué

Le roman La Bossue, de Saô Ichikawa, qui va sortir début septembre en français. 90 pages (Éd. Globe), ça se lit en une heure et c’est une bombe : l’héroïne vit avec un handicap sévère qui l’empêche de marcher et de respirer. Née dans une famille aisée, ses parents lui ont laissé une résidence dans un foyer de vie pour grands handicapés dont elle ne sort pas. Elle suit des cours par Internet dans une université réputée, elle est rédactrice de publi-reportages sur les services sexuels des cabarets à la mode, elle écrit à la chaîne des teen-love novels interdits aux moins de 18 ans sur la Toile. Son rapport à la lecture et à l’écriture est au cœur du roman : « Chaque livre que je lis, ma colonne vertébrale se plie un peu plus, mes poumons s’affaissent, ma gorge se perfore, ma tête se prend le montant de la porte, mon corps s’effondre pour vivre. »

Un jour, elle a une idée « pour vivre comme une humaine ». Elle ne dit pas « pour s’épanouir en tant que femme », elle dit : « pour vivre comme une humaine ». « Chaque fois que je vois les commentateurs ou les intellos culturés dire que le monde est devenu irrespirable, j’ai envie de répondre : “Un monde irrespirable, vous ne savez pas ce que c’est. Il était à combien, votre oxymètre, il y a 30 ans ?” » L’héroïne méchante.

L’autrice, Saô Ichikawa, possède de nombreux traits communs avec son personnage, conformément aux principes de la littérature dite de « l’auteur partie prenante ». En 2023, lors de la conférence de presse de réception du Prix Akutagawa, elle a mis le rouge au front de toute la profession en remerciant les éditeurs qui lui avaient refusé une quinzaine de manuscrits : « C’est grâce à vous si je suis là aujourd’hui. Puisque mes livres gentils n’intéressent personne, j’ai décidé d’écrire un livre pas gentil. »

L’autrice qui fait du bien là où ça fait mal. Vous allez adorer.


  Un film à voir

J’ai vu Black Dog de Guan Hu (sortie en mars sur les écrans français). Ça m’a fait penser à certains romans de Hubert Mingarelli. Un monde essentiellement masculin, c’est-à-dire une mentalité et une psychologie d’enfants. Immatures mais mignons.


Un lieu à découvrir au Japon

Un quartier que j’aime de plus en plus quand je retourne au Japon, c’est Kamata, dans l’arrondissement d’Ôta, à Tokyo. Pas du tout touristique, encore très « Shôwa » (du nom de l’ère où régna l’empereur Hirohito, entre 1926 et 1989), avec ce mélange improbable de bouis-bouis dont on a envie de « lire » l’histoire devant une marmite de tripes et un saké chaud, et de kitsch années 1990 décoloré par le temps. En plus, c’est très près de l’aéroport de Haneda, donc pratique les derniers jours avant de repartir et garder une image de Tokyo qui me réchauffe pour plusieurs mois à Paris.


Un lieu japonais en France

© Maison de la culture du Japon

La Maison de la Culture du Japon à Paris (station Bir-Hakeim). Oui, je sais, c’est l’adresse qui sort en premier quand vous entrez « Japon à Paris » sur un moteur de recherche. Mais elle gagnerait à être encore mieux connue. Une programmation cinéma digne des salles art-et-essai du Quartier latin pendant la Nouvelle Vague, des manifestations thématiques grand-format comme on n’en fait plus, une ambiance à la fois service public et soft power sous couverture qui sent bon comme là-bas. Et une bibliothèque avec une salle de travail qui vous donne envie de refaire une thèse tous les ans.


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