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Bonjour, c’est Kometa. «Vous appelez cela une élection?» nous a demandé le grand journaliste et prix Nobel russe Dmitry Mouratov à propos de la présidentielle qui commence demain.

Le principal opposant à Vladimir Poutine est mort dans le froid arctique, deux candidats sérieux ont été disqualifiés et les trois autres, autorisés, ont été parmi ceux qui ont applaudi le plus fort son discours fleuve du 29 février (analysé ici par Élisabeth Sieca-Kozlowski).

A l’appui de cette mascarade, une propagande massive. Qui a parfois pris les atours sophistiqués d’une série télévisée, nous raconte Pierre Benetti.

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Vous appelez ça une élection?

«Tout commence avec l’amour» dit ce panneau lumineux sur l’hôtel Cosmos de Moscou en janvier 2023 | © Alexander Gronsky

Une élection, nous a dit Dmitry Mouratov dans un entretien la semaine dernière à Genève, ce n’est pas seulement mettre son bulletin dans l’urne. C’est aussi une campagne présidentielle, avec des débats, des programmes, des idées qui se confrontent. Or il n’y a pas eu de débat: Vladimir Poutine a refusé d’y participer, préférant utiliser son discours fleuve à la nation du 29 février pour dérouler son programme de candidat unique et déjà réélu.

200 médias indépendants ont été fermés et le Kremlin traque désormais les VPN (virtual private network, réseaux privés virtuels utilisés pour contourner la censure), qui permettent de lire les sites Internet interdits, notamment les médias russes en exil comme Meduza, Novaïa Gazeta Europe, Holod ou Istories

Étouffer sous la censure 

Et pourtant, estime le grand journaliste, 80% des Russes sont contre la guerre. C’est ce qui ressort d’un large sondage qu’il a fait sur Telegram, mais aussi d’un sondage du Kremlin dont les résultats ont fuité récemment. Le problème, c’est qu’il n’y a aucun député au parlement pour cette majorité de citoyens qui, en raison de la censure étouffante, ne savent pas qu’ils sont majoritaires et n’ont aucune manière de faire entendre leur voix.

«Mais il est faux de dire que Poutine est un dictateur qui n'a pas de soutien, poursuit Dmitry Mouratov. Il a un noyau de fidèles». Lesquels sont soit âgés, soit gradés: «Chez nous, la classe moyenne, ce sont les personnes qui ont des galons sur les épaules», dit-il.

Un dictateur de son temps

Le sacre de Poutine aura donc lieu, une fois encore. Poutine qui vit entouré d’une armée personnelle de gardes du corps, Poutine qui voyage dans un train privé ultra-sécurisé dont la ligne et les gares n’ont été construits que pour lui, Poutine qui organise la récupération de ses excréments lorsqu’il voyage, de crainte que les services secrets occidentaux ne mettent la main dessus pour déterminer son état de santé. Un dictateur de son temps, aussi habile que menteur, au pouvoir depuis 24 ans, et pourtant archaïque: son grand-œuvre est de réécrire l’histoire. «Il parle d’événements et de personnages d’il y a 1000 ans (…) pendant que nous, on essayait de construire l’avenir. Là, c'est le passé qui gagne. Mais pas pour longtemps.»


Alors que le président sortant est assuré de rester au Kremlin après les élections du 15-17 mars, la sociologue Elisabeth Sieca-Kozlowski analyse son dernier discours à la nation. Plusieurs mesures annoncées font de la guerre en Ukraine un accélérateur d'une société militarisée.

De passage à Genève, le journaliste et prix Nobel russe Dmitry Mouratov décrit la dictature d’un type nouveau de Vladimir Poutine, une «dictature informatique». Il dit la peur qu’elle insuffle et le contrôle qu’elle exerce. Il revient aussi sur les funérailles extraordinaires de l’opposant Navalny.

D'après des documents officiels ayant fuité, les «Kremlin Leaks», l'administration russe préparait aussi l'élection présidentielle avec des séries télévisées. Et notamment celle qui fait un carton à la fois en Russie et en Ukraine, où elle a été interdite: «Slovo Patsana», l’histoire du banditisme de Kazan.


La photo de la semaine 

Le père et le grand-père du photographe Valery Poshtarov, Dobrich, Bulgarie | © Valery Poshtarov

2021, Dobrich. Valery Poshtarov immortalise son père et son grand-père devant la porte de leur maison. Le regard droit face à l’objectif, les deux hommes se tiennent la main. A travers ce simple geste d’affection entre un père et son fils, le photographe bulgare explore et questionne les représentations traditionnelles de la virilité masculine. Cette image sera la première d’une longue série du photographe : un portfolio à découvrir sur notre site et commenté par le journaliste et écrivain Mathieu Palain.


Haydée, rédactrice en chef adjointe de Kometa vous recommande «Tout ce qui est humain» de Sofia Andrukhovych

Quand j’ai demandé à Sofia Andrukhovych la référence de son livre en ukrainien, elle m’a répondu qu’elle n’existait pas. Parce que ce texte s’adresse à nous, lecteurs et lectrices hors d’Ukraine. En Ukraine, tout le monde sait déjà. Le livre, écrit entre février 2022 et avril 2023 à Ivano-Frankivsk et à Kyiv, raconte comment la guerre transforme les gens, le travail, la vie. Sofia Andrukhovych raconte la mort des proches, l’effroi, les traumas, la haine, mais aussi comment elle essaie de ne pas laisser la guerre «prendre tout l’espace». De préserver les délices, lire, boire du café, aimer. «Tant qu’on […] observe l’envol des cygnes au-dessus de l’eau, tant qu’on porte un manteau rouge, on protège pour soi-même et pour les autres une part de ce qui compte dans ce monde».

Sofia Andrukhovych, Tout ce qui est humain, traduit de l’ukrainien par Irina Dmytrychyn, Bayard «Récits», 176 p., 16 €


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A propos de Kometa

À l’origine de Kometa, une envie: comprendre le monde en allant voir là où il bouge. On ironise parfois sur ces Américains qui ne savent pas placer Paris ou Bruxelles sur une carte d’Europe, mais l’invasion russe de l'Ukraine a révélé notre méconnaissance d’une partie entière de notre continent.

Tous les trois mois dans une belle revue papier de 208 pages, chaque semaine dans ses newsletters et tous les jours sur son site, Kometa propose des grands récits littéraires, des photos d’auteurs et des débats d'idées pour saisir ce que nous n’avons pas vu se lever à l’Est. En révéler la richesse, les talents et l’incroyable complexité.

L'agenda

Aujourd'hui à 18h30

Débat au Festival FIFDH, Genève

Au Festival du film et forum international sur les droits humains de Genève, un débat animé par Serge Michel sur le Bélarus, précédé du film «Who if not us? the fight for democracy in belarus».


Du 23 au 24 mars

Le doc en scène, Montreuil

La première édition du Doc en Scène !, un festival théâtral documentaire et pluridisciplinaire, est dédiée au soutien de la création artistique ukrainienne et celle des artistes anti-guerre russes. Kometa est partenaire de l’événement.


3 avril, 21h

Un minibus en Ukraine… et à la Maison de la poésie

Après avoir voyagé ensemble en Ukraine, l’écrivain Emmanuel Carrère, les chercheurs Tetyana Ogarkova et Volodymyr Yermolenko, le reporter David Rieff racontent leur road-trip, font une lecture de leurs textes et débattent avec Léna Mauger. Prenez vite votre place:

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