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Bonjour, c'est Kometa. Il y a quelques semaines, nous avons fait parvenir une lettre à Mikhaïl Saakachvili, l'ancien président géorgien, en prison et malade. Nous avons reçu sa réponse, inquiétante, tracée d'une main tremblante.

De la Géorgie, il sera beaucoup question ces prochains jours: 40 artistes de Tbilissi débarquent à Paris pour le festival Un week-en à l'Est. Ecrivains, photographes, peintres, cinéastes, musiciens: vous verrez que ce petit pays est d'une incroyable richesse culturelle.

Jeudi dernier, nous disions ici notre inquiétude, quelques heures après l'arrestation arbitraire à Minsk, au Bélarus, du père de notre auteur Sacha Filipenko. Nous suivons sa situation de près et vous tiendrons informés.

Les éditions précédentes de cette newsletter sont ici. Votre revue vous attend chez votre libraire, et pour les abonnements, c'est par ici. Si vous aimez, transférez ce mail à vos proches.


«Je ne suis pas certain de sortir vivant de prison»

Mikhaïl Saakachvili en 2009, lors d'un exercice militaire avec l'Otan, et cette année, lors d'une comparution au tribunal en visioconférence de sa prison. (AP / Pool)

«Chère Léna, je me souviens très bien de toi. Félicitations pour Kometa et pour tous les grands auteurs que vous avez réussi à rassembler. 

Ma santé n'a cessé de se détériorer. Je souffre d’atrophie musculaire sévère, de cachexie, de problèmes de mémoire. On me transfuse constamment du sang et d'autres substances.

Je reçois la visite de ma mère, qui est autorisée à apporter de la nourriture depuis que les Américains et les Allemands ont prouvé que j’avais été empoisonné aux métaux lourds. Mon fils Nicolas est également autorisé à apporter de la nourriture, une fois par semaine. Quelques fois, ma fille Alice, âgée de 3 ans, a été autorisée à me rendre visite, mais les gardiens en uniforme et toutes ces cellules l’ont tellement déprimée que j’ai réduit ses visites au minimum.

C’est clairement Moscou qui a donné l'ordre de me condamner. Medvedev et Poutine l'ont clamé haut et fort. Cela a été fait sous la supervision de l’ancien procureur Otar Partskheladze, placé récemment sous sanctions américaines parce qu’il est un agent du FSB (les services secrets russes). Il pilote de manière informelle l'ensemble du système judiciaire et rend compte directement à Bidzina Ivanishvili (milliardaire géorgien pro-russe, considéré depuis 2013 comme le véritable dirigeant du pays). La Géorgie est sous la coupe d'une kleptocratie oligarchique classique: une seule personne possède le pays, ce dont les bureaucrates européens font semblant de ne pas s'apercevoir. 

Je n'ai jamais accumulé d'argent, j'ai toujours été idéaliste. Tout comme la mère de mes deux fils, qui a mis en place de grands projets de santé publique quand j'étais président et travaille aujourd'hui comme psychologue dans une clinique. Pour payer les avocats, ma mère a dû vendre la propriété de mon grand-père dont elle avait hérité. 

Hé oui, la vie est trop courte, je pense à cela tout le temps. Je ne suis pas obsédé par l'Histoire, mais je suis convaincu que je suis devenu un symbole important dans notre région.

Le président Macron a essayé de me faire libérer, ce que j’apprécie profondément. C'est très noble de sa part. J’ai reçu de nombreux autres messages de soutien, mais je suis toujours en prison. Et si les choses continuent ainsi, je ne suis pas certain d'en sortir vivant.

D’ailleurs, les médecins sont du même avis.»

Bien à toi, Micha


Langage fleuri. Souvenez-vous. En août et septembre 2008, alors que la Russie s'emparait d'un cinquième de la Géorgie, Nicolas Sarkozy s'était rendu en médiateur à Tbilissi et Moscou. Selon Jean-David Levitte, son conseiller diplomatique, Vladimir Poutine avait alors asséné au président français: «Saakachvili, je vais le faire pendre par les couilles». Le président géorgien, lui, du haut de son mètre quatre-vingt-quinze, avait surnommé son homologue russe «Lillipoutine». Lequel ne le lui pardonnera pas.


La grâce que refuse la présidente

Un extrait de la lettre manuscrite que Mikhaïl Saakachvili nous a fait parvenir. DR

La semaine dernière, des milliers de Géorgiens ont célébré dans les rues de Tbilissi la décision de l’Union européenne de recommander l'octroi du statut de candidat à l'adhésion pour ce petit pays du Caucase. En même temps, Bruxelles a soutenu l'ouverture de négociations d'adhésion avec l'Ukraine et la Moldavie. Une décision finale, prise par les chefs d'Etat de l'UE, doit intervenir en décembre.

La présidente géorgienne, Salomé Zourabichvili, dont les pouvoirs sont limités et qui vient d’échapper à une tentative de destitution, a promis qu'elle continuerait «plus que jamais à jouer (son) rôle de dirigeante pro-européenne afin de favoriser et de faire avancer les réformes encore nécessaires».

Une mesure en son pouvoir et qui plairait aux Européens serait de gracier l’ancien président Mikhaïl Saakachvili, emprisonné à son retour dans le pays, en 2021. Cela ne semble pourtant pas dans ses intentions. L’écrivain français Emmanuel Carrère se trouve être le cousin de Salomé Zourabichvili. Il va lui rendre visite lors de son reportage dans le pays pour le premier numéro de Kometa.

La présidente, ancienne ambassadrice de France et ancienne ministre du gouvernement Saakachvili, lui dit en substance qu’un homme politique emprisonné n’est pas nécessairement un prisonnier politique, que Saakachvili a été condamné pour «des raisons pénales graves» et que le gracier serait «un déni de justice.» Elle n'est pas beaucoup plus tendre dans l'interview qu'elle vient de donner au Monde.


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Vladimir et les chiottes (blague russe)

En septembre 1999, alors qu'il vient de faire bombarder Grozny et lance la seconde guerre de Tchétchénie qui aboutira à une «extermination partielle» du peuple tchétchène (c’est l’avis des historiens), Vladimir Poutine avait déclaré: «On va attraper les terroristes partout. Pardonnez-moi, s’ils sont aux chiottes, on ira les buter jusque dans les chiottes».

Vingt-quatre ans plus tard, une délégation du Hamas a été reçue à Moscou, trois semaines après l'attaque terroriste du 7 octobre en Israël. Devant ce «deux poids, deux mesures» du président russe, une blague a aussitôt circulé sur les sites russes parodiques.

Vladimir Poutine: «On va discuter avec les terroristes partout. Pardonnez-moi, s'ils sont aux chiottes, nous discuterons avec eux jusque dans les chiottes.»

A propos de Kometa

À l’origine de Kometa, une envie: comprendre le monde en allant voir là où il bouge. On ironise parfois sur ces Américains qui ne savent pas placer Paris ou Bruxelles sur une carte d’Europe, mais l’invasion russe de l'Ukraine a révélé notre méconnaissance d’une partie entière de notre continent.

Tous les trois mois dans une belle revue papier de 208 pages, chaque semaine dans ses newsletters et tous les jours sur son site, Kometa propose des grands récits littéraires, des photos d’auteurs et des débats d'idées pour saisir ce que nous n’avons pas vu se lever à l’Est. En révéler la richesse, les talents et l’incroyable complexité.

L'agenda

24 novembre à 20h, Eglise St Germain

La violoniste star Lisa Batiashvili à Paris

La Géorgienne Lisa Batiashvili est l’une des violonistes les plus demandées au monde. Au festival Week-end à l'Est, elle présentera son jeune compatriote Giorgi Gigashvili, un pianiste. Ensemble, ils joueront Vaja Azarashvili, Felix Mendelssohn et César Franck.


22 novembre à 18h, Beaux-Arts de Paris

Carte blanche à Emmanuel Carrère

L'écrivain ayant des racines à la fois russes et géorgiennes fait l'ouverture du festival Un week-end à l'Est, à Paris, du 22 au 27 novembre. Cette année, la ville à l'honneur est Tbilissi. Animation: Alain Berland, responsable de la programmation culturelle des Beaux-Arts de Paris et Serge Michel, directeur de la publication de Kometa.


Depuis le 11 octobre

En librairie

Le premier numéro est disponible chez votre libraire en France, en Suisse et en Belgique. Si vous le commandez en ligne (lien ci-dessous), vous bénéficiez d’un tarif de lancement et ferez partie de nos premières lectrices et lecteurs.

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